Bongo père et fils, une dynastie au pouvoir au Gabon depuis plus de 55 ans
Une tentative de coup d’État est en cours ce mercredi au Gabon. Un groupe de militaires a déclaré mettre « fin au régime » du président Ali Bongo, tout juste réélu pour un troisième mandat à la tête du pays. Celui-ci avait succédé en 2009 à son père, Omar Bongo, qui a gouverné le pays durant plus de quarante ans. Chronologie.
Fin de dynastie au Gabon ? Des militaires ont annoncé, mercredi 30 août, mettre « fin au régime en place » dans le pays, alors que les résultats officiels de la présidentielle de samedi venaient tout juste de consacrer la victoire du président Ali Bongo, au pouvoir depuis 14 ans et qui avait succédé à son père, Omar Bongo, lui-même resté à la tête du pays pendant 41 ans.
L’opposition a régulièrement dénoncé la perpétuation d’une « dynastie Bongo » de plus de 55 ans à ce jour.
• Omar Bongo, le patriarche, au pouvoir de 1967 à 2009
Le 17 août 1960, l’indépendance du Gabon, ancienne colonie française, est proclamée.
En février 1961, Léon Mba devient président. Trois ans plus tard, il est déposé lors d’un coup d’État, puis réinstallé grâce à une intervention de l’armée française.
Le 12 novembre 1966, Albert-Bernard Bongo – qui deviendra plus tard Omar Bongo –, figure montante de la politique gabonaise, devient vice-président de Léon Mba.
Un an plus tard, en décembre 1967, à la mort de Léon Mba, Albert-Bernard Bongo accède au pouvoir. Il impose le Parti démocratique gabonais (PDG) comme parti unique et dirige d’une main de fer, profitant notamment de la manne pétrolière.
En 1973, converti à l’islam, il devient « El Hadj Omar Bongo », nom auquel il ajoutera « Ondimba », celui de son père, en 2003. Seul candidat aux élections, il est élu président en 1973, 1979 et 1986.
Parvenu au pouvoir avec l’aval de Paris, Omar Bongo Ondimba a été un des piliers de la « Françafrique », expression utilisée pour dénoncer un système de cooptation politique, réseaux occultes et chasses gardées commerciales mis sur pied après l’indépendance des colonies françaises d’Afrique noire.
En 1989, Omar Bongo offre un maroquin de luxe à son fils Ali qui, à 29 ans, devient ministre des Affaires étrangères, pendant deux ans. En 1999, il récupère le portefeuille stratégique de la Défense, qu’il occupera jusqu’en 2009.
De janvier à avril 1990, de graves troubles sociaux tournent à l’émeute. En mai, le multipartisme est adopté, mais Omar Bongo remporte toutes les élections présidentielles (1993, 1998 et 2005) face à une opposition qu’il parvient à diviser ou à rallier à sa cause. Les scrutins sont contestés ou suivis de violences.
• 2009 : Ali Bongo arrive au pouvoir en héritier
Le 16 octobre 2009, Ali Bongo Ondimba, dont le père est mort en juin, est investi président. En août, il a été élu lors d’un scrutin contesté. Des violences post-électorales et des pillages ont secoué Port-Gentil, dans l’ouest du pays, faisant plusieurs morts. Rapidement, l’opposition dénonce une « dérive autoritaire » et une « personnalisation du pouvoir ».
En 2010, la justice française ouvre une enquête sur le patrimoine considérable amassé en France par Omar Bongo et d’autres chefs d’État africains, ainsi que par des dirigeants syriens. C’est l’affaire des « biens mal acquis ». Neuf enfants d’Omar Bongo sont actuellement mis en examen à Paris dans cette procédure.
En décembre 2014, de violents heurts opposent manifestants de l’opposition et forces de l’ordre lors d’un rassemblement interdit réclamant le départ d’Ali Bongo, faisant officiellement un mort.
Le pouvoir, confronté à une crise économique en raison du plongeon des cours du pétrole à partir de 2014-2015, fait face à des tensions sociales croissantes, avec des grèves dans la fonction publique et le secteur privé.
En 2014, le journaliste français Pierre Péan assure, dans son livre « Nouvelles affaires africaines », qu’Ali Bongo a falsifié son acte de naissance. Cette thèse, vigoureusement démentie par le pouvoir, affirme que le président est un enfant nigérian adopté par Omar Bongo pendant la guerre du Biafra, à la fin des années 1960. Or, selon la Constitution, il faut être né gabonais pour briguer la présidence. La polémique a fait l’objet de plusieurs procédures judiciaires en France et au Gabon.
• Depuis 2016 : turbulences pour la dynastie
Avant la présidentielle du 27 août 2016, l’opposition demande en vain l’invalidation de la candidature d’Ali Bongo, répétant qu’il est un enfant nigérian adopté et qu’il ne peut pas être président.
Le 31 août 2016, la commission électorale annonce la réélection d’Ali Bongo face à son adversaire Jean Ping. S’ensuivent des violences sans précédent : manifestations anti-Bongo, interpellations par centaines, Assemblée incendiée, assaut des forces de sécurité contre le QG de Jean Ping… Ces troubles font trois morts selon les autorités, une trentaine selon l’opposition.
Le 2 septembre, Jean Ping se proclame « président élu ». Mais le 24 septembre, la Cour constitutionnelle valide la réélection d’Ali Bongo.
Reportées trois fois, les législatives prévues en décembre 2016 se déroulent finalement en octobre 2018 et marquent une victoire écrasante du parti au pouvoir.
Le 24 octobre 2018, Ali Bongo est victime d’un accident vasculaire cérébral en Arabie saoudite. Il est hospitalisé pendant plus d’un mois à Riyad, puis transféré à Rabat. Les rares communications officielles sur sa santé alimentent les rumeurs. En novembre, une partie de ses pouvoirs est transférée au Premier ministre et au vice-président.
Son omnipotent directeur de cabinet, Brice Laccruche Alihanga, tente à son tour de l’évincer du pouvoir en profitant de sa convalescence. Il est finalement interpellé le 3 décembre 2019, accusé de corruption, au lendemain d’un remaniement qui a acté son éviction du gouvernement où il occupait encore la tête d’un ministère sans pouvoir. Après avoir survécu à son AVC, Ali Bongo parvient à survivre politiquement.
En octobre 2021, le nom d’Ali Bongo est cité dans les Pandora Papers. La présidence dément toute implication dans cette affaire.
Le 9 juillet 2023, Ali Bongo annonce sa candidature à un troisième mandat présidentiel. Désunie – contrairement au scrutin présidentiel de 2016 –, l’opposition dénonce un « pouvoir dynastique », après plus de 55 ans de présidence de la famille Bongo, et une précampagne d’Ali Bongo financée par les moyens de l’État.
Mercredi 30 août 2023, Ali Bongo est officiellement réélu avec 64,27 % des voix contre 30,77 % pour son principal rival, Albert Ondo Ossa, qui avait dénoncé des « fraudes orchestrées par le camp Bongo » deux heures avant la clôture du scrutin.