Le gouvernement sénégalais a annoncé lundi la dissolution du Pastef, le parti d’Ousmane Sonko, moins de deux heures après son inculpation et son placement en détention pour « appels à l’insurrection et complot » contre l’État. Des manifestations contre l’incarcération de l’opposant ont eu lieu dans la journée, à Dakar et Ziguinchor, et au moins deux personnes sont décédées.
« Le parti politique Pastef est dissous par décret », a annoncé le ministre de l’Intérieur Antoine Diome dans un communiqué, justifiant sa décision par ses appels « fréquents » à des « mouvements insurrectionnels » qui ont fait selon lui de nombreux morts en mars 2021 et juin 2023. Ces menaces, poursuit le ministre de l’Intérieur, constituent « un manquement permanent et sérieux aux obligations des partis politiques. »
Le Pastef conteste cette décision. « Cette décision n’obéit à aucune logique démocratique », critique Ousseynou Ly, membre de la cellule de communication du parti.
Ousseynou Ly
Un peu plus tôt dans la journée, lundi 31 juillet, le candidat à la présidentielle de 2024, avait été inculpé par un juge qui a ordonné son placement en détention notamment pour « appels à l’insurrection et complot » contre l’État, a annoncé à un de ses avocats. Au total, ce sont huit chefs d’inculpation en charge contre l’opposant sénégalais et ce, après quatre heures d’un face-à-face avec le doyen des juges que cette décision de mandat de dépôt lui a été notifiée, rapporte notre correspondant à Dakar, Birahim Touré.
Ousmane Sonko avait été interpellé vendredi à son domicile. Au retour de la prière, le président du Pastef affirmait avoir arraché le téléphone d’une gendarme qui le filmait sans son accord. « Un vol avec violence », selon les autorités sénégalaises. Dans un post Facebook qui lui est attribué, Ousmane Sonko estime qu’il va s’en remettre à Dieu, car il place en lui toute sa confiance.
Des morts à Ziguinchor
Plusieurs leaders de l’opposition avaient décidé de tenir un point de presse au siège d’un des partis leaders de la coalition Yewwi Askan Wi. Finalement, la gendarmerie a interdit cette manifestation et plusieurs mouvements de protestation ont éclaté en début d’après-midi jusque tard dans la soirée lundi.
Des échauffourées qui ont poussé les stations d’essence à fermer leur pompe et boutiques pour 72 heures à compter de ce lundi. Elles sont souvent la cible des manifestants en période de tension.
Troisième procédure judiciaire
Ousmane Sonko, 49 ans, voit ainsi s’ouvrir une troisième procédure judiciaire à son encontre, qui risque de compromettre encore davantage sa participation à l’élection présidentielle de février 2024.
L’élu de Zinguinchor, actuellement en grève de la faim, a déjà été condamné le 1er juin à deux ans de prison ferme pour « corruption de la jeunesse » dans l’affaire qui l’opposait à la masseuse Adji Sarr. La décision de justice avait conduit à des émeutes provoquant entre 16 et 30 morts.
Il avait également été condamné le 8 mai à six mois de prison avec sursis à l’issue d’un procès en appel pour diffamation, une peine largement perçue comme le rendant inéligible pour l’élection. Mais il n’a pas encore épuisé ses recours devant la Cour suprême.