LE FOOTBALL UNIT LES JEUNES AU SOUDAN DU SUD
LE FOOTBALL UNIT LES JEUNES AU SOUDAN DU SUD
LA VIOLENCE A DÉVASTÉ LE SOUDAN DU SUD. MALGRÉ LES CONFLITS ENTRE COMMUNAUTÉS ET DES ANNÉES DE GUERRE CIVILE, LES HABITANTS DE LA RÉGION RECULÉE DE PAGUIR REFUSENT DE RENONCER À QUELQUE CHOSE DE SACRÉ : LEURS MATCHS DE FOOTBALL.
Dans de nombreux pays, le football n’est qu’un sport. Mais pour les habitants de Paguir, une région confrontée au conflit, à la faim et à de graves inondations depuis des années, c’est aussi un moment de répit et un moyen de créer des liens et d’être ensemble. Même si cela n’a pas toujours été le cas.
« Les jeunes sont en conflit depuis très longtemps », explique John Wat, capitaine de l’équipe de football du village de Thok Chak. « C’était un véritable problème pour notre communauté, parce que les gens avaient peur et nous ne pouvions pas être ensemble. »
Un jour, une poignée de jeunes se sont armés de courage et ont décidé de mettre fin à cette situation. Eux aussi méritaient d’avoir un espace pour jouer, un espace pour échapper, ne serait-ce qu’un instant, au stress de vivre dans une région ravagée par les conflits et la crise climatique.
« Les jeunes ont commencé à jouer au foot », explique John.
METTRE UN BUT AU CONFLIT
Dès l’aube, les jeunes des différents villages de la région se retrouvent sous le soleil brûlant. Ils ne sont pas là pour se battre. Ils sont là pour jouer.
C’est une journée ensoleillée et la température est étouffante. De nombreuses personnes se sont rassemblées autour du terrain, la plupart en plein soleil. Personne ne voulait manquer ce match. Des personnes âgées, des femmes et des enfants sont venus voir leurs champions jouer le dernier match du championnat de football de Paguir.
Les jeunes du Soudan du Sud partagent un amour profond pour ce sport, qu’ils ont hérité de leurs parents et de leurs grands-parents. Mais jusqu’à récemment, les jeunes de Paguir ne disposaient pas de la stabilité ni des équipements nécessaires pour pouvoir y jouer. Ils ont regardé la dernière Coupe du monde en imaginant ce qu’ils ressentiraient s’ils jouaient eux-mêmes.
L’un des villageois, fervent supporter de Liverpool et du FC Barcelone, rit lorsque nous l’interrogeons sur sa loyauté envers ces équipes. « C’est assez commun de supporter deux équipes ici », admet-il. « Ce qui ne l’est pas, c’est de pouvoir joueur au foot avec un vrai ballon. »
Mais même sans ballon, les jeunes ont trouvé des moyens astucieux de jouer. Ils ont demandé des gants au Centre de stabilisation en santé et nutrition d’Action contre la Faim pour les gonfler et jouer avec.
« Au départ, nous utilisions un ballon gonflable », raconte Ruot, capitaine de l’équipe de Puyai. « Nous avons demandé deux ou trois gants au Centre de stabilisation. Nous les avons gonflés et les avons enroulés dans des vêtements jusqu’à ce qu’ils deviennent suffisamment durs. Et nous avons joué avec jusqu’à ce qu’ils soient complètement usés. »
L’envie de jouer était plus forte que le manque d’équipements. Les jeunes ont donc continué à jouer comme ils le pouvaient. Ils n’avaient ni maillots pour différencier les équipes, ni filets, ni ballon, mais ils ont décidé de jouer quand même.
« Nous travaillons main dans la main pour oublier le passé. C’est pour cela que nous jouons au foot ensemble. » — Ruot Kong, 27 ans, capitaine de l’équipe de Puyai.
Joe Joe Zubahyea, qui gère les programmes et la base d’Action contre la Faim à Paguir, a vu à quel point les jeunes étaient passionnés et a voulu les aider. Il leur a offert des équipements. Les ballons et les maillots leur ont redonné espoir. Aujourd’hui, beaucoup rêvent même de devenir des footballeurs professionnels, ce qui était auparavant impensable.
Depuis le début, les jeunes avaient un autre but encore plus important à marquer. Les équipes voulaient favoriser la paix dans leurs communautés. Joe Joe les a aidés et leur a donné des conseils. Il a eu l’idée de mélanger les habitants de Puyai, de Thok Chak et de Paguir entre les équipes, afin de les unir autour de leur passion commune.« LE
Les jeunes apprennent la tolérance et l’acceptation et découvrent d’importantes compétences en leadership. « En restant calme, vous montrez l’exemple », déclare John, capitaine de l’équipe de Thok Chak. « Vous devenez un modèle à suivre. »
Au coup d’envoi de la deuxième mi-temps, des joueurs de tout le district regardent le match depuis la ligne de touche. Beaucoup jouent pieds nus, car ils n’ont pas les moyens de s’acheter des crampons, et doivent marcher dans les eaux de crue pendant une heure pour arriver à l’heure à l’entraînement.
Dans un pays ravagé par un conflit qui a déchiré les communautés, il est remarquable de voir que les jeunes de Puyai, de Paguir et de Thok Chak font de tels efforts pour jouer dans la même équipe.
Il reste encore beaucoup de chemin à parcourir. Les joueurs sont unis, mais font face chaque jour aux immenses défis que sont les inégalités, la faim et la pauvreté. Pourtant, ils rêvent de devenir des joueurs professionnels et fêtent chacune de leurs victoires ensemble. Ruot est de Paguir, mais c’est le capitaine de l’équipe de Puyai, et il fête les victoires de son équipe avec fierté.
« Beaucoup trop de jeunes ont perdu la vie dans les combats », déclare-t-il. « Il faut que les gens oublient le passé. C’est pour cela que nous jouons au foot ensemble. »