La 27e Conférence des Parties (COP) qui se tient à Charm el-Cheikh (Égypte) depuis le 7 novembre s’achève officiellement ce vendredi soir. Les négociations, ardues, devraient déborder sur une partie du week-end. Le contexte international est peu propice pour progresser sur le chemin de la lutte contre le réchauffement climatique, qui fait sentir ses effets de plus en plus fréquemment partout dans le monde. « Un jour à la COP » livre un condensé de ce qui s’est dit et noué durant la journée de négociations, et part à la rencontre de quelques-uns de ses acteurs.
♦ C’est le sprint final. Il n’y a plus qu’une seule actualité qui occupe la COP : la préparation d’un accord qui vise à réhausser les ambitions de la lutte contre le changement climatique et ses conséquences. La présidence égyptienne de la COP, Sameh Shoukry, prévoit la fin des discussions pour demain midi. Les observateurs sont très sceptiques : le chemin qui reste à parcourir est encore long pour arriver à un texte, soupire une habituée des négociations. L’enjeu reste inchangé depuis deux semaines : les pertes et dommages. Si rien de concret n’est encore acté, jamais ce sujet n’aura progressé autant dans les échanges.
♦ L’Union européenne qui était réticente à la mise en place d’un nouveau fonds, a créé la surprise la nuit dernière en proposant un texte en cette faveur. Frans Timmermans, vice-président de la Commission européenne en charge des négociations climatiques, s’est exprimé ce matin : « Nous avons fait cette tentative honnête ce matin pour jeter un pont », précisant que « depuis deux semaines, nous avons accompli de grands pas en avant. C’est maintenant à l’autre côté » de faire de même. « On ne peut pas leur enlever ça », admet notre source citée plus haut, habituellement plus critique. Toutefois, « on reste réticents à l’idée d’un fonds, rappelle encore Frans Timmermans. Ma réticence, c’est que je sais, par expérience, que ça prend du temps avant qu’un fonds comme celui-ci puisse être établi et encore plus de temps avant qu’il ne soit abondé. Alors que nous avons d’autres instruments qu’on pourrait utiliser pour aider les plus vulnérables. Mais ils sont tellement attachés à ce fonds, que nous avons accepté. » « Ce sera notre dernière offre », a-t-il ajouté. Parmi les États européens qui faisait blocage, la France notamment, a changé de braquet et cédé du terrain.
Mais voilà, parmi ses conditions, l’UE prévoit que le financement soit élargi à certaines économies émergentes voire riches comme la Chine, 2e économie mondiale. Cette proposition pourrait non seulement l’exclure de l’obtention des aides mais aussi la contraindre à payer pour ses émissions.
♦ La Chine préfère « lancer un processus ». Wang Yi, scientifique et conseiller de la délégation chinoise à la COP. RFI s’est entretenu en exclusivité avec lui et il réagit à la proposition de texte de l’Union européenne. « La Chine soutient l’idée de base. Mais ils ont mis des conditions avec lesquelles nous ne sommes pas d’accord. Par exemple, ils veulent que l’Inde et la Chine participent au soutien financier. Nous pays en développement, nous disons non. Le plus important je pense est de lancer un nouveau processus, nous pouvons pour les pertes et dommages mettre en place un nouveau groupe de travail, peut-être un nouveau mécanisme financier pour régler cette question », explique-t-il.
Wang Yi, vice-président de la commission sur le changement climatique à la COP, le 18 novembre 2022.
Wang Yi, vice-président de la commission sur le changement climatique à la COP, le 18 novembre 2022. © Géraud Bosman-Delzons/RFI
La Chine est membre du G77, qui regroupe les pays émergents et moins développés. Sa place dans ce groupe est de plus en plus questionnée, alors à mesure que son PIB progresse. Sous peu, l’empire du milieu ne sera plus considéré comme un pays émergent mais comme un pays développé. « La Chine, elle, a d’autres possibilités pour aider les pays fragiles notamment par la voie de coopération Sud-Sud qui peuvent aussi fournier des moyens pour compenser ces dégâts. Le problème d’aujourd’hui est que les pays développés n’ont non seulement toujours pas tenu leur promesse d’aide de 100 milliards de dollars, mais en plus, ils changent de sujet et demandent aux pays en voie de développement comme la Chine de participer au financement. Ce genre de comportement n’est ni logique ni conforme aux principes de base de l’accord de Paris », conclut Wang Yi.
Par ailleurs, certains, comme l’Alliance des petites îles (AOSIS), perçoivent dans la proposition de l’Union européenne une tentative de sape du groupe 77 qui se constitue de pays vulnérables comme le Pakistan. « On peut clairement soupçonner l’Union européenne de diviser pour mieux régner. Je pense que c’est une tactique qui est assumée de leur côté de dire qu’en effet, ils vont réussir à quelque chose en arrivant à déconstruire ce groupe du G77 qui est composé de pays qui sont émergents comme la Chine, mais aussi de pays comme les petits États insulaires. Ils essaient de faire un appel du pied aux petits États insulaires pour accepter cette offre et ainsi casser l’unité du G77 », explique Aurore Mathieu, responsable Politiques internationales au Réseau Action Climat.
Enfin, dernier pays à être fermement positionné contre la création d’un fonds : les États-Unis. Jusqu’à présent, ils ne sont pas exprimés sur le sujet. Lors de la séance plénière de cet après-midi, ils n’ont pas pris la parole.
♦ La société civile, de son côté, se dit peu convaincue par la proposition de texte. Cet après-midi en plénière, les États ont eu de durs échanges sur les ambitions à affirmer sur les réductions de gaz à effet de serre.
De plus, la dernière proposition du texte mentionne qu’il reste possible de « diminuer et rationaliser les subventions inefficaces aux combustibles fossiles ». En d’autres termes le financement de ces énergies polluantes peut continuer. Cela montre le poids des lobbies pétroliers et gaziers à cette COP souligne un fin connaisseur de ces rendez-vous. Et un coup dur pour les organisations de la société civile qui militent pour l’inscription explicite de la « sortie » du pétrole, du gaz et du charbon. Différents États tentent de s’organiser sous l’impulsion de la Colombie pour que cette mention y soit inscrite (lire ci-dessous « Ils font la COP »).
Manque enfin pour certaines organisations des notions telles que les droits humains, la transition équitable, juste et rapide et de trop faibles avancées sur la biodiversité, alors que la conférence dédiée se tiendra dans un mois au Canada.
LES COULISSES EN IMAGE. La zone verte
Dans de précédentes éditions, ici et là, on a pu raconter ce qu’il se trame dans les si secrètes salles de négociations de la zone bleue. En marge, il y a également une zone verte qui accueille traditionnellement des ONG de protection de l’environnement, des droits de l’homme, des mouvements citoyens et de la jeunesse, et organise des ateliers, des conférences et des performances artistiques… On a cherché tout ce monde, en vain. En lieu et place, le secteur privé et les représentions des ministères. Alors que 46 117 personnes étaient inscrites – et un peu plus de 27 000 étaient physiquement présents –, la verte, s’est trouvée bien déserte. Nous sommes partis découvrir les lieux.
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La Zone verte est éloignée d’environ deux kilomètres du Centre de conférences où se déroulent les négociations et où se situent les pavillons des pays et des organisations associatives, institutionnelles, bref le coeur de la COP.
Pour parcourir cet espace de plusieurs dizaines d’hectares, on circule entre de petits arbustes et d’une petite mare. La Zone verte a été construite en vue de la COP, dans une zone désertique.
Des modules en bois et plastique parsèment la zone.
On enjambe ensuite un grand bassin bleu…
Avant de rejoindre quatre grandes tentes dédiées aux stands de la société civile.
Dans celle-ci, des banques et des ministères.
Ici, le grand pavillon de la Fédération des industries égyptiennes.
L’Autorité pharmaceutique égyptienne.a également son stand.
Des opérateurs télphoniques qui promeuvent la décarbonation.
Enfin, on déniche la Nature Conservation Egypt, une ONG qui vise à protéger le patrimoine naturel du pays, en partenariat avec nombre d’ONG environnementales comme la Ligue de protection des oiseaux française.
La Zone verte est éloignée d’environ deux kilomètres du Centre de conférences où se déroulent les négociations et où se situent les pavillons des pays et des organisations associatives, institutionnelles, bref le coeur de la COP. © GBD/RFI
Dans ce lot, l’association de protection de la nature égyptienne fait figure d’oasis dans le désert. Ils sont intarissables sur les oiseaux. L’Égypte et les bords de la mer Rouge sont la deuxième autoroute migratoire au monde, empruntée par les oiseaux qui voyagent d’Europe en Afrique : il y en aurait environ 1,5 million chaque année à faire le voyage. L’un d’entre eux, le faucon pèlerin est particulièrement prisé d’un pays voisin de l’Égypte : les Émirats Arabes Unis. La capture de l’oiseau est illégale. Mais les riches Émiratis sont prêts à payer plusieurs dizaines de milliers de dollars pour en avoir un à leur bras.
ILS FONT LA COP. Trois questions à… Susana Muhamad, ministre colombienne de l’Environnement
Susana Muhamad, ministre colombienne de l’Environnement, le 18 novembre 2022.
Susana Muhamad, ministre colombienne de l’Environnement, le 18 novembre 2022. © Raphaël Moran/RFI
La Colombie fait partie du Groupe 77+Chine, un bloc de 135 pays émergents et en voie de développement. Bogota pousse pour avancer le dossier de la sortie des énergies fossiles : « Nous avons rédigé un texte engageant la convention à éliminer progressivement tous les combustibles fossiles conformément à la science, dans le cadre d’un effort mondial et collectif, mais cette position ne recueille que peu de soutien », a déclaré la ministre colombienne.
Raphaël Moran : Le projet d’accord actuel contient un paragraphe explicite sur l’abandon du charbon comme combustible. Cela signifie-t-il que la Colombie abandonne ses mines de charbon?
Susana Muhamad : Oui, c’est un engagement qui a été pris depuis Glasgow. Nous savons qu’en dépit du rebond du charbon dû à la crise de la guerre en Ukraine, son utilisation aura tendance à diminuer. C’est pourquoi la transition économique pour la Colombie aura des implications pour ses revenus fiscaux et sa balance commerciale internationale. Ce n’est pas une mince affaire. Nous devons faire une transition ordonnée, dans le secteur de l’emploi. Nous devons assurer la transition de régions entières qui dépendent aujourd’hui du charbon. Et nous avons la volonté politique de faire cet effort. Cependant, nous ne voyons pas tellement de clarté pour parvenir à des accords multilatéraux.
La Colombie a mis un projet d’échange de dette contre des actions climatiques sur la table des négociations lors de ce sommet climatique. Comment ce mécanisme fonctionnerait-il ?
S. M. : Aujourd’hui, la Colombie paie 20% de son budget annuel en dette extérieure. Si nous avions un allègement de la dette de 5 % pour l’action climatique, ces 5 % du budget annuel pourraient aller directement au gouvernement pour mettre en œuvre son action climatique sur l’adaptation, l’atténuation et les pertes et dommages. Cela nous donne un espace fiscal. C’est beaucoup plus que le budget de l’action climatique a aujourd’hui. Et au moins 10 fois plus que ce que nous obtenons dans la coopération internationale annuelle pour le changement climatique. Cela figurait dans le premier projet, nous avons pensé que c’était intéressant, et nous espérons que certaines références pourront être faites.
Avez-vous pu obtenir le soutien d’autres pays ?
S.M. : Nous avons une proposition dans laquelle le Mexique, le Paraguay, le Panama, le Honduras, Antigua-et-Barbuda, l’Equateur, l’Union européenne et la Colombie ont soutenu le fait que la COP appelle à des progrès sur la réforme de la dette et la réforme du système financier international afin que les pays puissent avoir une capacité fiscale. Mais c’est une position, par exemple, que des pays comme la Chine ne soutiennent pas. Ce que la Chine dit, c’est que la dette n’est pas une question à traiter dans cette COP. Selon cette logique, la dette n’est pas de la compétence de la COP. Nous, nous aimerions envoyer un message fort, à savoir que ce serait un moyen de générer la justice climatique.