Restaurer la cohésion entre éleveurs et agriculteurs du cercle de Djenné par la gestion du pastoralisme
Pour restaurer la cohésion sociale entre les communautés d’éleveurs et d’agriculteurs du cercle de Djenné au centre du Mali, un projet intégré de gestion du pastoralisme y a été lancé en septembre 2021. Son objectif est de contribuer de façon significative à la stabilité de la cette zone par la construction d’infrastructures pastorales et l’aménagement de parcours pastoraux au profit de près de 36 000 ménages. La MINUSMA a investi près de 495 millions de Francs CFA grâce à une contribution du Royaume-Uni au Fonds fiduciaire pour la paix et la sécurité.
La zone ciblée comprend plusieurs communes du Cercle de Djenné. Elles ont été identifiées de manière participative et inclusive, avec le consentement des autorités et des communautés locales.
Des infrastructures et leur mode de gestion pour faciliter le vivre ensemble
Parmi les activités spécifiques du projet figurent la cartographie, la démarcation et la réhabilitation de 225 kilomètres de pistes et d’infrastructures pastorales, la construction de trois forages, la distribution de 700 kilogrammes de semences fourragères, la régénération d’un espace pastoral de 70 hectares, la production de cartes pastorales et l’établissement de mécanismes de gestion de pistes pastorales et des infrastructures.
Le projet prévoit également une série de séances publiques et de campagnes radiophoniques d’information sur le fonctionnement des Commissions Foncières (CoFo) et la résolution des conflits. En 2021, à travers un projet séparé, la MINUSMA avait facilité l’établissement et la revitalisation des CoFo dans les 12 communes et 145 villages du cercle de Djenné.
Trois axes principaux de chemins de transhumance, appelés localement « bourtol », avaient été identifiés, et depuis le début du projet, 75 km de pistes pastorales ont été délimités, le forage de trois puits pastoraux a commencé et des campagnes de sensibilisation ont été menées dans 10 villages. Dans ces localités, des comités de gestion des projets ont également été mis en place. Ils ont facilité les discussions avec les agriculteurs, en particulier ceux qui ont empiété sur les pistes pastorales et avec les chasseurs traditionnels Dozo.
L’ensemencement de 70 hectares de zones pastorales avait été prévu pour la saison des pluies, de juillet à septembre 2022. Jens KRISTENSEN du Bureau régional de la MINUSMA à Mopti, souligne que « les zones pastorales sont connues pour être conflictuelles. Ceci nous a incité à participer activement à ce projet pour promouvoir la gestion pacifique des espaces communs et adopter des modes de gestion des conflits liés à la transhumance dans les zones humides delta intérieur du fleuve Niger dites « inondées » et celles arides appelées « zones exondées » ici dans le Centre. Au-delà de son objectif premier qui est la paix, cette initiative a permis d’aider les communautés à bénéficier d’emplois temporaires lors de la mise en place des balises ainsi que de la construction des abreuvoirs et des forages. Ceci est également un point positif à ne pas négliger en termes d’emplois au bénéfice des populations ».
L’indispensable adhésion des communautés
Participatif et inclusif de sa conception à sa mise en œuvre, le projet met à contribution toute la communauté, les notables, les femmes, les autorités locales et les jeunes. Cependant, sa mise en œuvre a parfois été retardée par des problèmes de sécurité liés à la présence d’éléments armés radicaux. Ceux-ci se sont opposés au projet, qu’ils considèrent comme un moyen pour l’État d’affirmer son contrôle sur les zones rurales. Cependant, les maîtres d’œuvre du projet ont réussi à accéder à la plupart des villages. Cela a permis de ressusciter les anciens chemins de transhumance et de persuader les agriculteurs, les éleveurs, les propriétaires fonciers et les communautés des avantages du projet. Ce succès est dû à une approche transparente et à des consultations intensives qui ont conduit à l’engagement des populations locales bénéficiaires sur les activités à mener.
D’autres obstacles sont culturels ou économiques. Certains villages n’ont initialement pas adhéré au projet car les habitants et les chasseurs traditionnels Dozo de ces communautés étaient opposées au retour des bergers peuhls dans leurs localités. Cependant, après de nouvelles consultations, ils ont fini par accepter la démarcation établie entre les champs et les couloirs de transhumance. Dans un autre village, la communauté a d’abord refusé la démarcation par crainte de perdre des zones nouvellement irriguées sur des terres cultivées empiétant sur les pistes pastorales. Après discussions, les parties ont finalement accepté de modifier le tracé de la piste pour contourner le village et éviter tout nouveau grief ou conflit.
Ce sont les Équipes Régionales d’Appui à la Réconciliation (ERAR) et les Comités Communaux de Réconciliation (CCR) qui ont facilité ces dialogues et négociations. Pour N’Toura TRAORÉ, de l’ONG « Association pour le Développement Durable » (ADD), chargé de la mise en œuvre du projet, cette approche inclusive est nécessaire. « L’implication des Comité Communaux de Réconciliation (CCR) et des leaders locaux dans les négociations et les sensibilisations auprès des communautés ont permis de donner plus de notoriété au projet, ce qui est rassurant en termes d’acceptation. Il est plus que nécessaire de passer par ces acteurs quand on veut assoir une base avec des objectifs de paix et de réduction des conflits. Je les encourage à toujours être disponibles pour négocier avec leurs pairs, » a-t-il déclaré.
Des raisons d’envisager une réussite durable
À ce jour, les acquis ont permis d’atteindre 225 km de pistes pastorales à baliser tel que retenu dans le projet et avec l’accord de la population dans les zones ciblées. Dans la même dynamique, l’ONG a pu réaliser trois forages dans trois communes ainsi que neuf abreuvoirs. Cependant, pour cause d’insécurité, il n’a pas encore été possible de réaliser la démarcation des pistes pastorales dans deux communes.
Malgré de nombreux défis, le projet est sur une trajectoire positive et a produit des résultats positifs et des avantages pour les bénéficiaires ainsi que les autorités. Les approches consultatives et l’engagement local démontrent qu’il est à la fois possible et viable de mener des projets et des initiatives de gouvernance des zones qui autrement étaient considérées comme hostiles à la présence de l’État. Le représentant des bénéficiaires du village de Konio toujours dans le Cercle de Djenné, Baba SATAO, évoque les changements positifs que présage le projet dans la gestion du pastoralisme. « Nous sommes confrontés à des difficultés, des conflits liés au passage des animaux chaque année. Ce projet soutenu par la MINUSMA permet déjà d’observer une baisse des tensions entre agriculteurs et éleveurs cette année (2022). Nous sommes au début de la saison des pluies. Par exemple dans ma zone, les communautés ont accepté de céder quelques mètres de leurs champs pour le tracé du couloir de transhumance. Ce qui veut dire que le risque de dégâts des bêtes va baisser vu qu’il y a un itinéraire. Les bœufs vont être guidés sur ce chemin. Le projet a prévu des espaces d’alimentation et d’abreuvage des animaux. Tout est bien ordonné. Cette réalisation pour nous est assez grande et elle est un soulagement, » a-t-il expliqué.