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Burkina Faso: le traumatisme des «orphelins de Sankara»

Alors que reprend le procès de l’assassinat de Thomas Sankara à Ouagadougou, les centaines d’adolescents burkinabè qui avaient été envoyés en formation à Cuba dans les années 1980 témoignent du traumatisme que la perte du président a représenté pour eux.

En 1986, 600 adolescents quittent le Burkina Faso pour partir se former à Cuba, dans un programme d’échange mis en place par l’ancien président Thomas Sankara et son homologue cubain Fidel Castro. Âgés entre 12 et 15 ans, ils sont choisis par le président burkinabè sur des critères sociaux, venant de familles rurales et défavorisées. Mais un an plus tard, le père de la révolution burkinabè est assassiné. Les étudiants terminent leur cursus et reviennent six ans plus tard dans leur pays qu’ils ne reconnaissent plus.

Florence était l’une d’eux. Tous les matins, sur l’île de la jeunesse au large de Cuba, les étudiants burkinabè chantaient l’hymne national cubain. Elle s’en souvient encore aujourd’hui, tout comme elle se souvient de ce 15 octobre 1987, quand elle apprend la mort de Thomas Sankara.

« Quand on nous a dit qu’il y avait eu un coup d’État au Burkina Faso, on savait déjà que notre président était mort. À l’école, le silence était total. Nous sommes restés sans manger. On ne pouvait même pas dormir. On pleurait. Je ne sais pas comment vous le raconter. Il fallait le vivre pour comprendre », raconte Florence.

Stigmatisés

À leur retour de Cuba, un emploi dans la fonction publique devait être garanti aux étudiants, afin qu’ils aident au développement du Burkina. Inoussa Dakambari a été formé en génie civil. Rentré en 1993, il déchante. « Quand nous sommes revenus, nous avons été victimes de préjugés. Certains disaient qu’on venait venger Sankara. Encore aujourd’hui, nous n’avons pas les équivalences réelles à nos diplômes, ce qui a mis un frein à nos carrières professionnelles. » Formé à un travail manuel, Inoussa Dakambari dit s’en sortir « un peu », même si c’est difficile.

Formés aussi militairement, les étudiants partis à Cuba inquiètent le régime de Blaise Compaoré, qui les marginalise. « Dans les bureaux, on est parfois surnommé « le Cubain ». Sankara mort et enterré, on n’a plus rien à faire ici. Certains de nos compatriotes nous traitaient comme des étrangers », témoigne Charles Kaboré, formé en mécanique industrielle, dénonçant « l’humiliation, le mépris ».

Aujourd’hui les orphelins de Sankara demandent toujours la reconnaissance de leurs diplômes, la reconstitution des carrières pour ceux de la fonction publique et des indemnités pour les proches de leurs camarades disparus. 

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