MALI, la malédiction des coups d’État. Par Ibrahima Thiam, président de Un Autre Avenir
En réalisant un coup d’Etat voici quelques semaines les militaires maliens n’ont pas adressé un bon signal, ni en Afrique, ni ailleurs dans le monde. Le 21ème siècle ne veut plus revivre les putschs et les juntes comme le vingtième siècle nous en trop offert, que ce soit avec le régime des colonels en Grèce ou les nombreuses dictatures sud-américaines.
Au Mali, la démocratie a été
blessée et les élections qui avaient porté au pouvoir le président Ibrahim
Boubacar Keita (IBK) ont été bafouées par des officiers qu’en d’autres temps on
aurait qualifié de fêlons. Et la transition politique que vit actuellement le
pays n’a été rendue possible que parce que IBK a préféré démissionner pour
éviter une épreuve de force qui aurait été préjudiciable à tous, en particulier
aux civils et se terminer dans le sang.
Il faut dans ces conditions
se féliciter de la condamnation de la communauté internationale que ce soit
l’ONU, l’Union Européenne, l’Union Africaine, et la CDEAO à l’égard de ce
complot conduit par des officiers supérieurs. Toutes ces institutions se sont
prononcées pour un retour rapide à l’ordre institutionnel. Depuis une décennie
pratiquement plus aucun pouvoir militaire en effet n’a pris le pouvoir à
l’exception précisément du Mali où déjà en 2012 lors d’un précédent coup d’État
les militaires avaient dû transférer le pouvoir aux civils.
Il faut aussi se réjouir que
la CDEAO ait, dès le mois d’août, condamné le coup d’Etat, qui est, faut-il le
rappeler le 4ème en soixante ans avec un quatrième président
renversé sur les cinq qui ont été élus. Il faut également reconnaître que le
Mali connaissait une grande instabilité aussi bien sur le plan politique qu’en
matière de gouvernance. Les problèmes économiques étaient là, le coronavirus
aussi, le fait également que les écoliers maliens étaient déscolarisés depuis
pratiquement deux ans, sans oublier la négation de l’aspiration des jeunes dans
la perspective d’un renouvellement de la classe politique, n’étaient plus supportables
par la population. A n’en pas douter ce pays, en proie aux actions terroristes
dans le Sahel, a un besoin urgent d’un renforcement des institutions et une
gestion plus vertueuse au sommet du pouvoir. Il faut aussi que les imams
restent dans leurs mosquées et s’occupent de leurs fidèles mais pour cela
convient-il que le président travaille dans l’intérêt du peuple car certains
religieux comme l’imam Dicko jouent le rôle de thermomètre qui annoncent une
montée de température lorsque les choses vont mal, que la situation est
mauvaise. Ils doivent donc être entendus par le pouvoir en place.
Cette mutinerie des
militaires était ainsi prévisible depuis plusieurs mois car plusieurs voyants
étaient au rouge et aurait pu être évitée si le pouvoir en place avait
davantage écouté la rue qui a travers de multiples manifestations dont la
première, le 5 juin, contestait le résultat des élections législatives de mars
dernier. La suivante, le 10 juillet, n’a été qu’une confirmation. Tous
s’accordaient à reconnaître qu’IBK était déconnecté. Dans ces conditions, et
face au refus de dialogue pouvoir-opposition, l’armée est vite apparue comme le
seul arbitre possible. Il n’en reste pas moins que lorsque les militaires
sortent des casernes et que les religieux mènent les revendications dans le but
de faire plier le pouvoir ce n’est jamais bon.
Alors que le Mali a fêté le
2 septembre dernier le soixantième anniversaire de son indépendance ce pays
doit s’inventer un nouveau destin.
Ibrahima
Thiam, président de Un Autre Avenir