Le Sénégal et la Gambie se souviennent du naufrage du Joola, 17 ans après
Le 26 septembre 2002, le ferry qui effectuait la liaison
entre la Casamance et Dakar sombrait au large de la Gambie, faisant
officiellement 1863 morts et 64 rescapés seulement. 17 ans après, le souvenir
de la tragédie est toujours vif mais entretenir la mémoire est un combat
parfois compliqué.
Parmi les survivants du naufrage, Malang Badji dit avoir
« gagné une bataille », celle des cauchemars, mais « pas la
guerre » : celle de la mémoire. C’est sur un balcon avec vue sur
l’océan et le port de Dakar que Malang Badji raconte son histoire. « Je
n’ai plus peur. Je peux même prendre le bateau pour aller à Ziguinchor si
nécessaire. J’y repense souvent quand je suis seul. Je pallie par le travail. »
Son travail de cuisinier, du sport, un suivi psychologique
aussi, pour avancer depuis cette nuit là – c’était un jeudi -, il avait 19 ans,
lycéen et allait poursuivre ses études. Embarquement à Ziguinchor, cap sur
Dakar… « Tout à coup, le bateau a fait un grand bruit, un tonneau
« boum ». Un deuxième tonneau. « Boum ». Et puis voilà, il
s’est incliné. Là, les gens ont crié de partout et tout un chacun voulait se
sauver. »
Malang Badji réussit à monter sur la coque. Pour lui, le
temps passe mais les leçons ne sont pas tirés. « Qui a été
emprisonné ? Personne. Les Sénégalais sont amnésiques. L’Etat aussi. Parce
que ça fait aujourd’hui 17 ans qu’on court derrière l’Etat pour leur demander
ne serait-ce que de renflouer le bateau. On leur demandait juste de nous
accorder une place au niveau du port de Ziguinchor pour que nous puissions nous
rappeler de nos parents. Une stèle. L’Etat n’a pas mis les moyens. C’est ce
combat-là qui nous reste. »
Pas de mémorial, mais un devoir de mémoire. Comme tous les
26 septembre depuis le naufrage, Malang Badji prend un congé pour participer
aux commémorations.
Malang Badji n’a «plus peur» mais se
bat encore pour que les victimes aient un mémorial. © C. Idrac/RFI
Malang Badji, le combat de la mémoire
Un village gambien entretient le cimetière
En Gambie, se trouve une importante fosse commune où ont été
rassemblés les corps des victimes du Joola. Le cimetière est situé dans le
village de Bassori à l’intérieur des terres, à plus d’une heure de route de
Banjul, la capitale.
A la veille des commémorations, plusieurs jeunes du village
ont été envoyés pour nettoyer le cimetière, recouvert par la végétation.
Débarrassée de ses herbes folles, la pierre tombale indique le nom de seulement
quarante victimes.
Mais le compte n’y est pas, explique Moro Kongira, 18 ans au
moment des faits. « A certains endroits du cimetière, vous trouverez une
vingtaine de personnes enterrées sur le même emplacement. Donc ça fait beaucoup
de monde. Franchement, je suis incapable de vous combien de personnes sont
enterrées ici. »
Plusieurs centaines de corps, non identifiés reposeraient
sous terre. Le village de Bassori a été choisi pour sa position sur la route
qui relie la Casamance à la Gambie. La communauté villageoise s’est investie
pour préserver le cimetière, mais elle se sent démunie averti Moro Kongira.
« La communauté a besoin d’aide. Ce sont les gens d’ici
qui nettoient bénévolement le cimetière, qui parfois montent des tentes pour
les cérémonies. Il est arrivé que le chef du village paie les travaux pour
entretenir l’enceinte du cimetière. »
Pour le moment les murailles tiennent bon. Le souvenir du
Joola est encore trop vif pour les laisser s’affaisser. A Bassori, en Gambie la
cérémonie de commémoration aura lieu un jour plus tard, vendredi 27.