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Des responsables politiques français épinglés pour leur soutien passé à Bachar al-Assad

Avec la chute de Bachar al-Assad, les prises de position passées de nombreuses personnalités politiques françaises sont scrutées à la loupe. Plusieurs responsables du RN ont affiché un soutien marqué au président syrien déchu et ont entretenu des liens étroits avec son régime répressif. Certains à gauche sont aujourd’hui accusé d’avoir minimisé les crimes commis pendant la guerre civile. 

Une image diffusée par l'agence de presse officielle arabe syrienne (SANA) le 27 mars 2016 montre le président syrien Bachar al-Assad rencontrant une délégation française.
Une image diffusée par l’agence de presse officielle arabe syrienne (SANA) le 27 mars 2016 montre le président syrien Bachar al-Assad rencontrant une délégation française dirigée par Thierry Mariani à Damas. © AFP

Après la chute de Bachar al-Assad en Syrie, les prises de position passées de personnalités politiques françaises, jugées conciliantes envers le régime, ont refait surface.

L’eurodéputé Raphaël Glucksmann (Place publique) a vivement dénoncé, lundi 9 décembre sur France 2, « les commentaires des gens qui n’ont jamais rien dit pour condamner les crimes de Bachar, qui ont tout fait pour les excuser, je pense au Rassemblement national, et à une partie de la gauche », citant notamment « Jean-Luc Mélenchon et d’autres ».

Il a fustigé ceux « qui ont mis en doute et relayé la propagande de Bachar al-Assad, mis en doute le gazage des enfants de la Goutha » et qui disent « soudainement être extrêmement inquiets pour l’avenir de la Syrie (…), ils devraient avoir honte aujourd’hui ».

Cette attaque chimique au gaz sarin avait été perpétrée dans la région de la Ghouta, au nord-est de Damas le 21 août 2013, provoquant la mort par suffocation de quelque 1 400 habitants, dont plus de la moitié était des femmes et des enfants. Ce crime, attribué au régime de Bachar al-Assad, demeure à ce jour impuni. France 24 y a consacré un documentaire dans lequel elle donne la parole à des témoins.

Les propos polémiques de Marine Le Pen

Nathalie Loiseau, rapporteuse permanente du Parlement européen sur la Syrie, a repartagé sur le réseau X une vidéo de 2015 dans laquelle Marine Le Pen refuse de qualifier de « barbare » Bachar al-Assad, un « terme facile qui n’a aucun sens », selon ses mots, auquel elle préfère celui de « dirigeant autoritaire ».

Lors de cette interview sur LCP, la cheffe du Rassemblement national (RN) mettait également en doute le nombre de victimes imputées au régime du président déchu, estimant que le chiffre qui attribuent quelque 250 000 morts au régime de Damas est erroné.

Marine Le Pen remet également en question l’utilisation d’armes chimiques par le régime syrien contre les populations civiles, en répondant qu’ »il y a beaucoup de discussions sur ce sujet ». « Tout ce que disent les Américains ou les officines américaines, je prends ça avec beaucoup de pincettes », ajoute-t-elle.

« Il y a surement eu des morts civils mais on a l’impression quand on écoute les radios et télévisions françaises que l’EI (ndlr: le groupe État islamique) n’a pas fait un mort et que l’ignoble Bachar al-Assad, lui, s’est attaqué à sa population civile », poursuit-elle. « Pourquoi Bachar al-Assad se serait attaqué à sa population civile ? À part parce que les fondamentalistes islamistes se planquent au milieu de la population civile. ».

Le RN et ses soutiens au dirigeant syrien

L’un de ses proches et ancien conseiller, Frédéric Chatillon, s’est même mis au service du dirigeant syrien. En 2009, cet ancien du GUD organise des campagnes de communication en France au profit du régime de Bachar al-Assad pour lancer en France une campagne de promotion vantant les charmes de la Syrie.

La chef de file des députés RN n’a fait aucune déclaration sur le renversement de Bachar al-Assad. Jordan Bardella, le président du RN, a cependant qualifié dimanche de « catastrophe » la chute du président syrien, sur France 3, estimant qu’il est « possible » que la France paye « les conséquences de cette prise de pouvoir des fondamentalistes islamistes par des flux migratoires importants ».

« Personne ne peut se réjouir de la situation de ce pays où vivent tant de peuples ancestraux et de minorités religieuses, notamment chrétiennes, sur lesquels cette instabilité fait peser une lourde menace », a-t-il estimé sur X, présentant ainsi le dictateur syrien comme un protecteur des minorités, tout en qualifiant le pouvoir de Bachar al-Assad de « régime déliquescent ».

Il n’y a pas que les déclarations, mais aussi des voyages controversés. Plusieurs membres du RN sont des habitués des visites au dictateur syrien, le présentant comme un rempart contre l’islamisme radical.

Parmi eux, l’eurodéputé Thierry Mariani, passé des Républicains au parti lepéniste, considère Bachar al-Assad comme un « ami ». Il lui a rendu visite une dizaine de fois depuis 2014, mettant les LR dans l’embarras par le passé avec ses propos laudateurs sur la sécurité dans les rues de Damas.

Ce dernier a même conduit en 2016 auprès du dictateur syrien, une délégation d’une trentaine de personnalités françaises, dont cinq parlementaires de droite. Présente lors de ce voyage, la sénatrice LR Valérie Boyer, avait critiqué les Syriens pour avoir quitté leur pays au lieu de faire comme « nos parents et nos grands-parents qui sont restés en France pour combattre le nazisme ».

L’ancien mélenchoniste désormais porte-parole du RN, Andréa Kotarac et le député européen d’extrême droite Nicolas Bay, ancien vice-président du Front national, ont eux aussi accompagné Thierry Mariani plusieurs fois à Damas.

D’autres personnalités politiques françaises de droite, et du PS ont elles aussi été épinglées pour avoir effectué des voyages auprès du pouvoir syrien.

Le voyage de quatre parlementaires français, en visite « personnelle » en Syrie, avait fait polémique en février 2015. La délégation parlementaire était alors composée du député du Parti socialiste (PS) et président du groupe d’amitié France-Syrie à l’Assemblée nationale, Gérard Bapt, du député de l’Union pour un mouvement populaire (UMP – ex Les Républicains) Jacques Myard, du sénateur UMP et président du groupe d’amitié France-Syrie au Sénat Jean-Pierre Vial, et du sénateur de l’Union des démocrates et indépendants (UDI) François Zocchetto. Gérard Bapt n’ayant pas participé à la rencontre avec Bachar al-Assad.

« Ils ne sont pas allés rencontrer n’importe qui. Ils sont allés rencontrer Bachar al-Assad, responsable de plusieurs dizaines de milliers de morts (…) Il s’agit là d’un geste qui ne les honore pas », s’était alors insurgé le Premier ministre Manuel Valls. François Hollande avait quant à lui condamné cette rencontre, affirmant que ces parlementaires n’avaient pas été mandatés par la France.

Jean-Luc Mélenchon accusé d’ambiguïtés

À gauche, c’est principalement Jean Luc Mélenchon qui a fait les frais de l’exhumation de ses déclarations passées. L’activiste syrien Firas Kontar, lui a par exemple reproché d’avoir justifié en 2015 les bombardements russes en Syrie. Il a posté sur X l’extrait d’une interview du leader de LFI à Public Sénat.

Nathalie Loiseau a publié dimanche sur X la capture d’un article de presse datant d’octobre 2019, rappelant des déclarations de Jean-Luc Mélenchon, qui exhortait alors la France à « aider » l’armée syrienne à « défendre son pays contre l’invasion de l’armée d’Erdogan et de leur supplétif jihadiste ».

Dimanche, le leader insoumis a pourtant réagi sans équivoque sur X à la chute de Bachar al-Assad : « Je me réjouis à 100 % de la chute du régime d’al-Assad en Syrie. Je me méfie à 100 % des nouveaux maîtres du pays. J’espère à 100 % que des élections libres sous contrôle international redonnent aux Syriens leur pouvoir démocratique ».

Dans un billet sur son blog, Jean-Luc Mélenchon a directement réagi aux accusations de la députée européenne Nathalie Loiseau (Horizons), déplorant « les propos ressortis » pour lui faire dire « autre chose que ce qu’il disait ». Il a affirmé qu’il « n’appelait pas Emmanuel Macron à ‘aider’ Bachar al-Assad mais à défendre nos alliés kurdes contre une agression ».

Ce dernier a rappelé plusieurs de ses déclarations publiques contre le président syrien ces dernières années, comme celle-ci sur Twitter le 19 février 2012 : « Bachar al-Assad doit partir ; mais méfions-nous des solutions purement militaires ».

Jacques Chirac, ami de Hafez al-Assad

La proximité d’hommes politiques français avec le régime de Bachar al-Assad n’est pas nouvelle. Avant son arrivée au pouvoir, Jacques Chirac a entretenu des relations proches avec Hafez al-Assad, dans le but de conserver une influence française au Liban et dans l’ensemble du monde arabe.

Le président français Jacques Chirac accueille le 17 juillet 1998 son homologue syrien Hafez El-Assad, au palais de l'Élysée à Paris.
Le président français Jacques Chirac accueille le 17 juillet 1998 son homologue syrien Hafez El-Assad, au palais de l’Élysée à Paris. © AFP, Gérard Fouet

En 2000, Jacques Chirac fut même l’un des rares chefs d’État occidentaux présents aux obsèques du dictateur arabe, ce qui lui a valu de nombreuses critiques. L’année suivante, il décorait Bachar al-Assad de la Légion d’honneur. « Le président était persuadé que le changement de génération dans le monde arabe, avec l’arrivée au pouvoir de Mohammed VI au Maroc, d’Abdallah II en Jordanie et de « Bachar » en Syrie, allait faire bouger les choses… », confiera plus tard au Monde le ministre des Affaires étrangères de l’époque, Hubert Védrine.

Des années plus tard, Nicolas Sarkozy déroule à son tour le tapis rouge pour Bachar al-Assad, invité d’honneur du défilé du 14 juillet 2008.

Le président français Nicolas Sarkozy accueille le président syrien Bachar al-Assad avant le début de la cérémonie du 14 juillet 2008 à Paris.
Le président français Nicolas Sarkozy accueille le président syrien Bachar al-Assad avant le début de la cérémonie du 14 juillet 2008 à Paris. © AFP, Eric Feferberg

La répression sanglante des manifestations prodémocraties de 2011 et le basculement dans la guerre civile changeront la donne. L’attaque au gaz sarin dans la région de la Ghouta marquera un tournant, la France, les États-Unis et le Royaume-Uni envisageant cette fois une intervention militaire punitive contre le régime syrien. Bachar al-Assad ne remettra plus jamais les pieds à Paris.

f24

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