Ports africains: Vincent Bolloré mis en examen
L’homme d’affaires français Vincent Bolloré a été inculpé mercredi soir à Paris de « corruption d’agent étranger », de complicité d’« abus de confiance » et de « faux et usage de faux », dans l’enquête sur l’obtention par son groupe de concessions portuaires en Guinée et au Togo, selon des sources judiciaires.
Placé deux journées en garde à vue, le milliardaire de 66 ans qui a quitté le bureau des juges sans être placé sous contrôle judiciaire est soupçonné d’avoir obtenu les concessions des ports guinéen de Conakry et togolais de Lomé en contrepartie de services rendus aux dirigeants locaux via sa filiale Havas. Le directeur général du groupe Bolloré, Gilles Alix, a lui aussi été inculpé mercredi pour les mêmes chefs, selon cette source.
« Vincent Bolloré qui reste présumé innocent pourra avoir enfin accès à ce dossier dont il n’a jamais eu connaissance et répondre à ces accusations infondées », a réagi son porte-parole dans un communiqué.
Encore aux commandes du groupe Bolloré, l’industriel, qui a récemment cédé les rênes du géant français des médias Vivendi à son fils Yannick, avait été placé en garde à vue mardi matin dans les locaux de la police anticorruption à Nanterre, près de Paris.
Trois possibilités s’offraient aux juges
Les juges Serge Tournaire et Aude Buresi pouvaient d’abord considérer que Vincent Bolloré avait répondu à toutes les questions des enquêteurs durant sa garde à vue. Il pouvait ressortir libre du bureau des deux magistrats.
Deuxième option, le milliardaire breton pouvait être placé sous le statut de témoin assisté. Autrement dit, il restait mis en cause dans cette information judiciaire sans être mis en examen. Ce statut excluait enfin tout contrôle judiciaire, détention provisoire ou port d’un bracelet électronique.
Dernière possibilité, c’était la mise en examen. Elle pouvait intervenir si les juges considèraient que des indices graves et concordants prouvaient son implication dans les faits qui lui sont reprochés.
■ La saga judiciaire du port de Conakry
Vincent Bolloré a été mis en examen dans le cadre d’une enquête portant notamment sur la concession du terminal à conteneurs du port de Conakry. C’était en mars 2011, trois mois après l’arrivée au pouvoir du président Alpha Condé. L’affaire avait défrayé la chronique et donné lieu à 5 ans de bataille judiciaire avec un autre groupe français, Necotrans.
Le point de départ de cette affaire est un décret présidentiel par lequel Alpha Condé décide de retirer à Getma, filiale de Necotrans, la concession du port du Conakry. Dans la foulée, le chef de l’Etat guinéen envoie la gendarmerie sur place. Le concessionnaire français est délogé manu militari.
Explication officielle : Necotrans n’aurait pas honoré ses engagements. Certains investissements auraient pris du retard, de même que la formation du personnel local. Deux jours plus tard, c’est le groupe Bolloré qui récupère le très lucratif terminal à conteneur du port de Conakry.
Necotrans dénonce une éviction arbitraire. Cette concession, le groupe français l’a obtenue 3 ans plus tôt et pour une durée de 25 ans. La bataille judiciaire est lancée. Necotrans attaque en justice le groupe Bolloré et l’Etat guinéen.
En 2016, le CIRDI, le Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements, juge l’éviction de Necotrans « irrégulière ». Necotrans obtient près de 450 000 euros de dommages et intérêts. Mais l’instance – qui dépend de la Banque mondiale – rejette les accusations de corruption.
Après 5 ans de bataille Necotrans se retrouve en redressement judiciaire. Une partie de ses activités est alors reprise par le groupe Bolloré.