Ouganda: le défi de l’eau sur la durée pour les réfugiés
Plus d’un million de réfugiés fuyant les combats au Soudan du Sud vivent désormais dans d’immenses zones d’installation au nord de l’Ouganda. Un des plus gros défis de la communauté internationale a été de leur apporter un accès à une eau propre en grande quantité, et sur la durée.
« Avant que le forage n’ait été effectué, nous devions venir jusqu’à cette rivière saisonnière, pour trouver de l’eau. Il y avait des animaux qui venaient s’y abreuver. » Elégante, les cheveux tressés en chignon sur la tête, Rosa se souvient des difficultés à trouver la précieuse ressource, lorsque la Naara était à sec. « Nous devions alors creuser pour trouver l’eau. Elle n’était pas bonne, il y avait beaucoup de cas de diarrhée. » Rosa est arrivée en Ouganda en 2015, peu avant que la crise des réfugiés Sud-Soudanais ne s’intensifie. Installée avec sa famille à Ofua 5, un des villages de Rhino camp, elle a pu obtenir un terrain. Mais une de ses plus grosses préoccupations était d’avoir accès à une eau propre à la consommation, pour elle et sa famille.
« Les réfugiés sont arrivés en grand nombre, et au début, la question de l’approvisionnement en eau était un véritable problème », confirme Solomon Osakan, responsable des réfugiés de la région pour le gouvernement. Une vaste opération de forages de puits a été engagée, pour aller chercher l’eau à plusieurs dizaines de mètres sous terre. Ces programmes, gérés sur le terrain par plusieurs ONG, dont le Danish Refugee Council (DRC), commencent aujourd’hui à porter leurs fruits, approvisionnant désormais plusieurs dizaines de milliers de bénéficiaires.
« L’eau pompée dans le puits motorisé d’Ofua 5 depuis début 2017, alimente jusqu’à cinq points d’eau dans le camp de Rhino », explique John Paul Mwaniki, coordinateur eau, assainissement et hygiène pour DRC. Pour ce seul puits, ce sont plus de 22 000 personnes dans trois villages qui peuvent avoir accès à cette précieuse ressource, grâce à un système de pipeline, dont le coût à lui seul a représenté près de 270 000 dollars.
Un point d’eau directement relié au puits
La mise en place de tels équipements aurait été inenvisageable pour les communautés locales, avant l’arrivée des réfugiés, le niveau de développement de la région étant très faible. « Nous devions marcher parfois 4 km pour aller nous approvisionner », confirme Mary, une habitante d’Ofua 5 qui habite avec sa famille dans une petite concession de cases en terre et en paille. Depuis quelques mois, un point d’eau directement relié au puits a été construit à quelques dizaines de mètres de chez elle, et fournit de l’eau propre en permanence à tout le voisinage. Seul regret pour le moment pour Mary, « les ONG n’ont pas encore installé de latrines, comme celles qui sont construites pour les réfugiés, mais ils nous ont promis qu’ils le feraient bientôt. »
Avec un coût d’entretien quotidien de 150 dollars, ce type de puits et de réseau revient très rapidement beaucoup moins cher que l’utilisation de camions-citernes, estimée à 5000 dollars par jour. « Notre budget pour le secteur de l’eau et de l’hygiène en 2017 était de 13 millions d’euros, précise Isabelle D’Haudt, responsable du programme humanitaire de l’Union européenne (ECHO) pour l’Ouganda. Il va de soi que nous privilégions ce type d’infrastructures pérennes, et nous nous réjouissons que le transport par camion soit en nette diminution. » Avant la mise en place de ces puits, le volume de consommation d’eau dépassait rarement les 7 litres par personne et par jour ce qui était largement inférieur à la moyenne vitale estimée pour un être humain. Ce chiffre atteint désormais les 18 litres dans les zones approvisionnées par ces puits.
Intarissable sur les caractéristiques techniques du réseau et des machines, John Paul insiste sur la durabilité du système, devenue le maître mot pour les ONG. Depuis quelque temps, celles-ci font ainsi appel à un allié surprenant pour amener de l’eau aux populations : le soleil. Au camp de Palorynia, non loin de la frontière avec le Soudan du Sud, une installation hybride solaire et fuel installée dans le village de Kalli puisent ainsi l’eau jusqu’à 54 mètres sous terre.
Un souci de pérennisation
Posés sur des poteaux métalliques, dans un enclos protégé, une quinzaine de panneaux solaires fournissent assez d’électricité pour pomper et alimenter près de 4 000 bénéficiaires de la zone. Alson Loro, tee-shirt maculé par la graisse des moteurs, est fier de présenter son puits un peu spécial, dont il assure désormais la maintenance. Il a été formé pour s’occuper de l’entretien du matériel, là encore dans un souci de pérennisation. « Je travaille ici depuis février 2017. Ils m’ont appris à utiliser ce système hybride, et maintenant, je connais bien le matériel. Je sais quand et comment basculer entre le fuel et le solaire », assure-t-il.
A Rhino camp, de nouveaux équipements totalement solaires ceux-là, devraient commencer à fonctionner prochainement. Une préoccupation financière, mais aussi écologique pour les ONG, conscientes de l’impact environnemental non négligeable de l’arrivée massive de réfugiés. « Nous modifions la pression pour veiller à ne pas trop puiser, et ne pas affaiblir les sols aux alentours du puits », précise John Paul. En équipant et en formant les communautés à l’entretien de ces installations, les ONG espèrent ainsi créer les meilleures conditions pour une utilisation optimale et durable des ressources en eau de la région.