Tunisie : de lourdes peines de prison contre 37 opposants de Kaïs Saïed

Un verdict d’une sévérité inédite est tombé à l’aube ce lundi en Tunisie : 37 opposants au président Kaïs Saïed ont été condamnés à de lourdes peines de prison, allant jusqu’à 66 ans, pour complot contre la sûreté de l’État. Ce procès, qualifié de « très politique » par de nombreux observateurs, suscite une onde de choc dans le pays et au-delà de ses frontières.
Parmi les condamnés figurent des figures majeures de l’opposition, des avocats, des militants des droits humains et des hommes d’affaires. Certains étaient détenus depuis deux ans, d’autres jugés par contumace, plusieurs vivant aujourd’hui en exil. Les peines varient de 13 à 66 ans de réclusion, la sentence la plus lourde ayant été infligée à l’homme d’affaires influent Kamel Eltaïef. Des personnalités telles qu’Issam Chebbi, chef du parti Joumhouri, ou Jawhar Ben Mbarek, cofondateur du Front de Salut National, écopent chacun de 18 ans de prison.
Le procès, ouvert le 4 mars, s’est déroulé sous haute tension et dans un climat jugé « répressif » par les ONG internationales. Les avocats de la défense dénoncent une « mascarade » judiciaire et un « dossier vide », soulignant que le juge a mis sa décision en délibéré sans réquisitoire ni plaidoirie de la défense. Plusieurs accusés n’ont même pas été entendus, certains ayant observé une grève de la faim pour protester contre l’absence de débat contradictoire.
Human Rights Watch accuse le président Saïed d’instrumentaliser la justice pour éliminer ses opposants, tandis que le Haut-Commissariat de l’ONU aux droits de l’Homme évoque une « persécution » et des « accusations vagues » visant des personnes ayant simplement exercé leurs droits civiques5. Le gouvernement tunisien, de son côté, affirme que les condamnés sont poursuivis pour des crimes de droit commun, sans lien avec leur activité politique.
Depuis la prise de pouvoir de Kaïs Saïed à l’été 2021, la Tunisie connaît une nette régression des libertés publiques, selon de nombreux défenseurs des droits humains. Le pays, berceau du Printemps arabe, voit aujourd’hui son système judiciaire et ses institutions démocratiques mis à rude épreuve.
À la sortie du tribunal, les proches des condamnés et leurs avocats expriment leur colère et leur détermination à poursuivre la lutte. « Nous n’allons pas nous taire ni abandonner notre combat », déclare l’un d’eux, dénonçant un « verdict politique décidé à l’avance ». La communauté internationale, quant à elle, observe avec inquiétude ce tournant autoritaire dans un pays longtemps considéré comme un espoir démocratique du monde arabe.