France : politiques et journalistes sur le terrain lexical de la droite populiste


Ils sont combien les Français qui ne veulent plus d’émigrés sur leur sol ? 40 % ? 50 % ? 70 ? Difficile à dire. En revanche, une chose est au moins certaine : la France politique se « droitise » à l’extrême. Jouant le jeu favori de Marine Le Pen et de Jordan Bardella, empruntant leur champ lexical et n’ayant désormais aucune gêne à reprendre les clichés et les fausses idées sur l’Islam et les musulmans. Le regrettable et condamnable attentat enregistré, samedi 22 février 2025, à Mulhouse (l’est de la France) est un exemple assez illustratif de ce virage triple XL de la patrie des droits de l’Homme. En effet, si beaucoup attendaient un dérapage de Jordan Bardella.

C’est raté ! Il est venu d’abord du président Emmanuel Macron. Ensuite, de son ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau. Réagissant à l’attentat, Macron n’a pas pris de gants cette fois-ci, s’empressant de qualifier l’acte d’attentat « terroriste islamiste ». Confortant ainsi Retailleau qui a fait savoir, tard dans la soirée, que « une fois de plus, c’est le terrorisme islamiste qui a frappé ». Et pour une chaîne comme Cnews, connue pour son discours xénophobe et anti-Islam, c’était l’occasion rêvée pour s’en prendre à l’Islam et à ses adeptes. L’édition spéciale consacrée à ce malheureux événement a été incontrôlé, allant dans tous les sens. Georges Tenech, ancien magistrat, a osé dire sur le plateau que tous les « 270 attentats » enregistrés ces dernières années sur le sol français ont été perpétrés par des « Franco-quelque chose… » islamistes au cri d’« Allah ak barr » (Dieu est grand). L’invité de Cnews dresse même le profil type de ces « terroristes islamistes », reconnaissables, dit-il, à travers leurs barbes fournies, portant turban, hijab ou foulard, refusant de boire l’alcool et de serrer la main aux femmes. En réalité, il s’agit là du portrait type du bon musulman.
Autrement dit, tous les musulmans pratiquants en France sont de potentiels terroristes. Quelle intolérance ! Surtout quels confusions et amalgames ! Venant d’un invité de Cnews, pas véritablement surprenant. Ce qui est, cependant, inquiétant et inadmissible, c’est de voir un nombre de plus en plus important de journalistes et d’hommes politiques français « braconner » sur ce dangereux terrain lexical de la droite populiste. On se souvient de Gérald Darmanin sur « l’ensauvagement », de Valérie Pécresse et d’Eric Zemmour sur « le grand remplacement », de Bruno Retailleau, encore lui, sur « l’impossiblisme » qui, dit-il, bloque tout en France et qu’il faut absolument combattre, changer la règle de droit pour faciliter l’expulsion des « sans-papiers ».
Sans oublier le tollé provoqué récemment par le Premier ministre François Bayrou lorsqu’il a dit sur la chaîne de télévision Lci qu’il y avait en France « un sentiment de submersion migratoire ». Sortie choquante condamnée à juste raison par beaucoup de démocrates. Amende honorable du Premier ministre ? Non. Tout au plus, François Bayrou a enfoncé le cou, recadrant tous ceux qui l’accusent d’avoir emprunté ce vocabulaire à l’extrême droite : « Ce ne sont pas les mots qui sont choquants, ce sont les réalités », dit-il avec mépris. Voilà où nous en sommes en France. Le pays se radicalise. Foulant aux pieds les principes élémentaires de la démocratie, des droits humains, du respect de l’autre, du respect de la différence. L’Élysée, Matignon, gauche, droite, extrême gauche, extrême droite, tous renforcés par une masse critique de journalistes et de chroniqueurs mettent tous les problèmes de la France sur le dos des pauvres émigrés, pourchassés, harcelés, humiliés avant d’être conduits à la frontière.
Oui, il faut le constater pour le regretter : notre belle France, terre des libertés, refuge des opprimés, pays de savants et d’intellectuels. Admirée pour son exceptionnel patrimoine, son apport dans la culture de l’universel, sa trajectoire riche et inspirante, ses grands auteurs (Flaubert, Chateaubriand, Rimbaud ou encore Baudelaire), jouant un rôle majeur dans le siècle des Lumières (Montesquieu, Voltaire et Diderot), s’illustrant dans la poésie (Victor Hugo, Aimé Césaire, Guillaume Apollinaire ou les recueils de Charles Baudelaire).
Eh bien cette France-là est en train de nous trahir. Et c’est tout le monde, les Français en premiers, qui doit se lever pour barrer la route à ces politiques et illusionnistes dont le destructif dessein est de défaire les liens qui ont fait la force et la grandeur de la République française. abdoulaye.diallo@lesoleil.sn
Par Abdoulaye DIALLO