Mozambique: des élections générales entre nouveau paysage politique et contexte sécuritaire tendu
Le Mozambique tient ses élections générales ce 9 octobre 2024. Dix-sept millions d’électeurs sont attendus aux urnes, pour choisir leurs parlementaires et leur président de la République. Ces élections se tiennent dans un contexte sécuritaire tendu et un paysage politique inédit.
De notre correspondante régionale,
Pour la première fois, ils sont quatre candidats à la présidence du Mozambique. Le Front de libération du Mozambique (Frelimo), au pouvoir depuis l’indépendance du pays a désigné Daniel Chapo, comme candidat.
Le choix de cet ancien présentateur télé et radio de 47 ans en a surpris plus d’un. Daniel Chapo n’a pas une grande envergure politique. Ce n’est qu’en 2009 qu’il entre dans la vie publique comme administrateur de district, avant de devenir gouverneur de la province d’Inhambane, dans le sud du pays.
Daniel Chapo est le premier candidat du Frelimo à être né après l’Indépendance et à ne pas avoir combattu lors de la guerre civile de 1975 à 1992. Certains y voient là, le choix du renouveau pour le Frelimo, d’autres une marionnette manipulable par les éléphants du parti.
Face à lui, Ossufo Momade, 63 ans, candidat de l’historique parti d’opposition et ancienne rébellion, la Renamo. Ce général durant la guerre civile s’était déjà présenté lors du scrutin de 2019 et avait obtenu 22% des suffrages.
Lutero Simango représente le MDM, le Mouvement démocratique du Mozambique, troisième force politique du pays.
Mais la vraie menace pour Daniel Chapo reste le candidat indépendant Venancio Mondlane. À 50 ans, cet ancien de la Renamo jouit d’une grande popularité auprès de la jeunesse mozambicaine. Soutenu par le parti Podemos, composé d’anciens déçus du Frelimo, il revendique toujours sa victoire à l’élection municipale de Maputo, l’année dernière.
Campagne calme
Les 45 jours de campagne se sont déroulés dans le calme. « Un premier succès », pour le commandant général de la police mozambicaine, Bernardino Rafaël. Cinquante-quatre infractions électorales ont été recensées par les forces de l’ordre. « Principalement des dégradations de matériel et 9 cas de violences corporelles », explique le chef de la police.
La coalition de la société civile Mais integridade (« Plus d’intégrité ») rapporte également quelques incidents isolés. Elle dénonce néanmoins l’usage, par le parti au pouvoir, des moyens de l’État pour faire campagne.
En tout, près de 12 000 observateurs nationaux et internationaux seront déployés dans tout le pays ce jour, selon le Secrétariat technique de l’administration électorale (STAE). L’Union européenne, la Communauté des pays de langue portugaise (CPLP) et la Communauté de développement d’Afrique australe (la SADC) sont notamment présentes.
Cela ne suffit pas à rassurer l’opinion sur la transparence de ces élections. Le patron de la Commission nationale électorale, un évêque anglican, est jugé très proche du pouvoir. Et le Frelimo a une longue tradition de fraude électorale, selon le chercheur Borges Nhamirre, de l’Institut pour les études de sécurité (ISS Africa), qui prépare une étude sur les dernières élections municipales.
« Le Frelimo n’a jamais gagné, a déclaré à la presse, dimanche, Ossufo Momade, candidat de la Renamo. Depuis 1974, nous avons toujours eu des élections frauduleuses. Nous voulons lancer un appel pour des élections justes et transparentes. Dans ce cas seulement, il n’y aura pas de conflits ».
« Nous continuons à faire face au défi du terrorisme »
Reste en suspens, la question de la tenue du scrutin dans le nord du pays, et notamment dans la région du Cabo Delgado, victime de violences terroristes. Depuis 2017, les shebabs, affiliés au groupe État islamique, y mènent des attaques meurtrières.
Le 4 octobre, lors de la commémoration de l’accord de paix qui a mis fin à la guerre civile, le président du pays, Felipe Nyusi, a assuré que l’armée avait mis hors d’état de nuire, de nombreux combattants. « Il est vrai que nous continuons à faire face au défi du terrorisme dans le Cabo Delgado, concède le chef de l’État, mais la lutte a été couronnée de succès avec la désarticulation des actions terroristes, la réduction des attentats et le retour progressif des populations ».
Un optimisme que ne partage pas le chercheur João Feijó, de l’Observatoire du milieu rural. Il explique à l’agence Lusa, que le départ, en juillet, des troupes de la SAMIM, la Mission militaire d’Afrique australe, laisse un vide sécuritaire sur place. « Les terroristes se dispersent et mènent des attaques dans les villages isolés, notamment près de la ville de Palma », poursuit le chercheur. Depuis 2017, la crise sécuritaire au Nord a tué plus de 4 000 Mozambicains, et en a déplacé près de 600 000.