Afrique du NordAsieDOSSIERSÉCONOMIEEurope

La France positionnée en faveur du Maroc au Sahara Occidental… une réorientation aux enjeux économiques s’amorce

Dans une lettre adressée au roi du Maroc, Mohamed VI, publiée le 30 juillet dernier, Emmanuel Macron a estimé qu’au Sahara occidental le plan marocain « constitue désormais la seule base pour aboutir à une solution politique, conformément aux résolutions du Conseil de sécurité des Nations unie .» Pour la France, « l’autonomie sous souveraineté marocaine est le cadre dans lequel cette question doit être résolue”. « Notre soutien au plan d’autonomie proposé par le Maroc en 2007 est clair et constant”, avait aussi écrit le chef de l’Etat français.

Cette ancienne colonie espagnole, située au sud du Maroc, réintégrée au royaume lors de la Marche verte de 1975, revendique son droit à l’autodétermination. Si le territoire est contrôlé de facto par le Maroc, les indépendantistes du Front Polisario, soutenus par l’Algérie, réclament l’organisation d’un référendum d’autodétermination afin d’aboutir à la création d’une « République arabe sahraouie démocratique ». Après des combats entre 1975 et 1991 la conclusion d’un cessez-le-feu prévoyait une consultation sur l’autonomie du territoire.

Cette déclaration française intervient après que plusieurs autres puissances occidentales, dont les États-Unis (fin 2020 en contrepartie d’un rapprochement avec Israël)  l’Espagne( 2022) ou l’Allemagne, ont exprimé leur soutien au plan d’autonomie marocain. Pour le Maroc, la reconnaissance par la France du plan d’autonomie est une victoire diplomatique majeure. Le roi du Maroc a d’ailleurs salué le changement de position de la France et s’est félicité d’une « position claire et forte » de notre pays dans son soutien « à l’autonomie [du Sahara occidental] sous souveraineté marocaine ». Alger, de son coté, a immédiatement dénoncé une décision « inopportune et contreproductive », a rappelé son ambassadeur à Paris (pour la troisième fois en trois ans) et réduit sa représentation diplomatique sur notre territoire.

Le choix français n’est pas dénué de motivations. Paris met notamment fin à une brouille de plusieurs années avec le royaume, dont l’influence économique et diplomatique en Afrique subsaharienne lui sera précieuse après sa série de revers au Sahel. D’un autre coté, pendant plusieurs années, Emmanuel Macron a tenté de rétablir des relations plus étroites avec l’Algérie, notamment par des gestes symboliques de réconciliation mémorielle. Ces efforts n’ont pu aboutir aux résultats escomptés, et l’Algérie a souvent réagi par des récriminations et des exigences supplémentaires.

La France semble désormais privilégier un rapprochement avec le Maroc, une puissance régionale montante.

Alors que la Tunisie s’enfonce dans une glaciation autoritaire et que l’Algérie reste figée dans un immobilisme politique, le Maroc a su capitaliser sur sa stabilité politique et économique. Rabat est aujourd’hui un interlocuteur incontournable sur les questions régionales. Une puissance stable et influente, qui est devenue un acteur clé dans des domaines aussi divers que la construction, la banque, les télécommunications, et l’agriculture en Afrique de l’Ouest. Les travaux portuaires à Tanger et Dakhla, ainsi que le développement des énergies renouvelables, confirment le rôle stratégique du pays dans la région.

Déjà très présente dans des secteurs clés tels que l’automobile, l’immobilier, et les services, la France cherche à accroître ses investissements au Maroc, y compris dans les provinces sahariennes riches en phosphate, aux eaux poissonneuses et aux étendues désertiques permettant de développer une activité milliaire discrète. Notre pays est déjà le premier investisseur étranger au Maroc, avec également une contribution significative au PIB marocain par le tourisme et les résidents français. En avril dernier, le ministre français de l’Économie, Bruno Le Maire, avait annoncé la participation française au financement d’un câble électrique de 3 gigawatts reliant Casablanca à Dakhla, un projet qui s’inscrit dans la stratégie marocaine de développement des énergies renouvelables. En parallèle, des discussions sont en cours pour explorer des opportunités dans le secteur nucléaire dans ce pays qui ne possède que des centrales thermiques à charbon, et auquel l’Agence française de développement (AFD) verse 400 millions d’euros annuellement.

Dépassées ces dernières années par leurs concurrentes espagnoles, les entreprises françaises tentent de revenir sur le marché marocain. L’industrie ferroviaire  est notamment un terrain de bataille régulier avec notre voisin européen, mais aussi l’édification de stations de dessalement de l’eau de mer. Les français Engie et Suez sont d’ailleurs en compétition pour réaliser une dizaine de stations, prévues dans la stratégie gouvernementale d’ici 2030. Pour l’heure, l’Espagne reste le premier partenaire commercial du Maroc, mais alors que les relations se sont réchauffées avec Paris, qu’en sera-t-il dans les prochains mois ? Certains y verront peut être un premier signe… Le 30 juillet dernier, le président français, écrivait sa lettre de soutien au plan marocain sur le Sahara occidental. Le 1ᵉʳ août, l’entreprise française Egis Rail remportait le contrat d’assistance à maîtrise d’ouvrage pour les infrastructures de la ligne à grande vitesse entre Kénitra et Marrakech, devant sa concurrente espagnole Ineco.

Du coté algérien, les investissements français sont trois à quatre fois moindres qu’au Maroc, l’Algérie ayant une législation plus contraignante, mais les échanges commerciaux (autour de 11 milliards d’euros) sont comparables aux échanges franco-marocains. La France exporte en Algérie des produits agro-alimentaires et, de manière croissante, des produits industriels. L’Algérie exporte de plus en plus gaz vers la France depuis la guerre en Ukraine.

La décision de la France de soutenir le plan d’autonomie marocain pour le Sahara occidental est une réorientation stratégique majeure qui s’inscrit dans une logique de renforcement des relations avec un Maroc en pleine ascension qui bénéficie de ces planifications à long terme que la stabilité du pouvoir favorise.  Ce rapprochement ne se limite pas à l’économie mais répond également à des impératifs stratégiques, le Maroc étant un allié de poids dans la gestion des flux migratoires en Méditerranée, mais aussi un partenaire important dans la coopération en matière de renseignement et de lutte contre le terrorisme.

Alioune SARR NDIAYE

Articles similaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Bouton retour en haut de la page

Adblock détecté

https://www.seneweb.com/xban/clickto/9a50c8a873a65b2b15d3b8d52b9dd9de0559916a