«Il faut un système financier international pour que l’Afrique ne soit pas désavantagée»
Clap de fin du sommet Corée-Afrique qui s’est tenu ces 4 et 5 juin à Séoul. Pendant deux jours, 33 chefs d’État africains ont discuté dans la capitale sud-coréenne. Parmi eux, le président du Kenya William Ruto a accordé un entretien à RFI en marge de ce sommet.
RFI : La première édition du sommet Corée-Afrique s’est terminée aujourd’hui. Quel bilan faites-vous de l’événement ?
William Ruto : Il s’agit du tout premier sommet Corée-Afrique. Nous avons eu de merveilleux échanges avec nos homologues ici en Corée. Notamment sur le sujet de la nécessité de travailler avec le système financier international afin de garantir que l’Afrique ne soit pas désavantagée. Pendant très longtemps, nous avons payé, quatre, cinq, parfois huit fois plus pour obtenir les ressources nécessaires à notre développement. Avec la conséquence que plusieurs pays sur notre continent connaissent un surendettement. Nous avons donc demandé à nos partenaires ici de fournir plus de ressources, d’augmenter sa contribution pour que l’Afrique accède à des ressources de développement à un taux concessionnel, sur le long terme, 40 ans, qu’elles aient une période de grâce de dix ans et qui soit flexible. Le deuxième sujet concerne la manière dont nous pouvons utiliser leur technologie pour stimuler la transformation de l’Afrique.
Le format de ces sommets interroge. Un pays d’un côté et un continent de l’autre D’autant que votre pays, le Kenya, est plus peuplé que la Corée du Sud. Comment garantir que ce genre d’événement ne débouche pas sur une relation déséquilibrée.
C’est une source de préoccupation. Je l’ai moi-même soulevée. Nous devons avoir une conversation équilibrée. C’est la raison pour laquelle nos collègues de l’Union africaine m’ont donné le mandat de réformer les institutions de l’Union africaine. L’une des réformes que nous envisageons consiste à organiser un sommet économique et d’investissement en Afrique, auquel nous invitons différents pays.
Où en sont les coopérations entre votre pays et la Corée sur la question des vaccins amorcés l’année dernière ?
Aujourd’hui, je suis très heureux que le Kenya ait formellement rejoint l’Institut international du vaccin, une agence de l’ONU et nous aurons désormais non seulement le siège national au Kenya, mais aussi le siège régional. Cela vous aide à réaliser deux choses. Tout d’abord promouvoir la fabrication locale des vaccins. Nous avons vu durant la pandémie à quel point la distribution de vaccins pouvait-être inégalitaire. Mais aussi promouvoir la fabrication de produits pharmaceutiques, dont les vaccins sur le continent. Afin que nous devenions autosuffisants, d’abord au Kenya, mais aussi sur tout le continent africain.
Vous vous positionnez fréquemment sur la question du réchauffement climatique, et la nécessité d’accélérer la transition énergétique. Vous avez annoncé en ce sens votre volonté de faire planter 15 milliards d’arbres sur les dix prochaines années. Mais dans le même temps, vous avez aussi levé l’interdiction sur l’exploitation forestière. Est-ce que ce ne sont pas deux décisions contradictoires ?
Ce n’est absolument pas contradictoire. Il y a un équilibre entre l’exploitation commerciale et la plantation d’arbres. Ceux que nous plantons sont en grande partie des arbres indigènes, nécessaires et utiles pour lutter contre le réchauffement climatique. Mais nous avons aussi une industrie du bois à des fins commerciales. Il y a un équilibre avec la sylviculture commerciale qui est plantée spécifiquement afin d’alimenter l’industrie du bois. Mais nous travaillons aussi à la restauration d’écosystèmes fragiles pour les zones de captage d’eau, les châteaux d’eau, les zones humides. Notre objectif est de nous assurer que nous ayons un environnement équilibré qui permette donne accès à des services forestiers, mais de manière durable.
Vous étiez il y a une dizaine de jours aux États-Unis pour une visite d’État, une première en 16 ans pour un président africain. Mais vous êtes très lié à la Chine économiquement, notamment sur la question de la dette. Comment est-ce que vous naviguez entre ces deux grandes puissances qui mènent une guerre commerciale et une guerre d’influence ?
Le Kenya et l’Afrique sont des acteurs globaux, comme les autres pays. Les États-Unis, la Chine sont des membres du G20. Il n’y a absolument aucune contradiction entre avoir des amis en Occident et avoir des amis en Orient. Ce qui est pérenne pour les pays, c’est leur intérêt. Et c’est pour cela que j’ai dit, on ne se tourne par vers l’ouest, on ne se tourne pas vers l’est, mais vers l’avant.