Bien installée en Flandre, marginale en Wallonie. À sept semaines des élections européennes, l’extrême droite s’impose dans le paysage politique de plusieurs pays européens, dont la Belgique. En Flandre, région néerlandophone du nord du pays, plus riche et plus peuplée, le parti nationaliste et indépendantiste Vlaams Belang (« Intérêt flamand ») caracole en tête avec plus de 27 % des intentions de vote, selon les derniers sondages.
Fondé en 1979, le parti – qui s’appelait alors Vlaams Blok (« bloc flamand ») – a connu de beaux jours jusqu’au début des années 2000 : la formation a fait le choix de se dissoudre en 2004 à la suite d’une condamnation pour infraction à la loi de 1981 réprimant les actes inspirés par le racisme et la xénophobie… Avant de renaître sous le nom de Vlaams Belang.
Face à la montée d’un nouveau parti nationaliste et séparatiste flamand, la Nouvelle alliance flamande (N-VA), beaucoup plus modérée sur l’immigration, le Vlaams Belang ne connaît pas de franc succès avant les élections fédérales de 2019 où il redevient contre toute attente le deuxième parti de Flandre en obtenant 18,65 % des voix et 18 sièges à la Chambre des représentants (la chambre basse du Parlement belge).
Appelés à se rendre aux urnes le 9 juin pour élire leurs députés européens, les Belges prendront part le même jour aux élections fédérales et régionales.
Dans le dernier « Grand Baromètre » Ipsos-Le Soir-RTL-VTM-Het Laatste Nieuws, sondage commun aux trois scrutins, le Vlaams Belang apparaît en tête en Flandre, crédité de 27,4 % des intentions de vote, loin devant la N-VA (20,4 %).
En Wallonie, c’est le Parti socialiste belge (PS) qui occupe la première place des intentions de vote avec 21,3 % devançant de peu le Mouvement réformateur (MR) de centre-droit, crédité de 20,5 % des intentions de votes.
Dans la région francophone, le parti Chez Nous, formation d’extrême droite née en 2021 et soutenue par le Vlaams Belang, le Rassemblement national français et le PVV néerlandais, espère pouvoir décrocher un premier siège à l’issue des élections. Mais le parti nationaliste peine à décoller. Dans le dernier « Grand Baromètre », Chez Nous est classé dans la catégorie « autres » qui, ensemble, réunissent 10,4 % des intentions de vote à Bruxelles et en Wallonie. Dans un sondage de septembre 2023, le parti représentait 0,3 %.
En Flandre, indépendance, immigration et « grand remplacement »
Si le Vlaams Belang se présente de lui-même comme une droite patriote, radicale, nationaliste, « on peut clairement le qualifier de parti d’extrême droite, et il l’a toujours été », affirme Benjamin Biard, docteur en sciences politiques et chargé de recherches au Centre de recherche et d’information socio-politiques (CRISP).
Parmi les thématiques au cœur du discours du Vlaams Belang, la scission du pays et l’émergence d’une république flamande, des positions très strictes en matière migratoire (volonté de stopper l’immigration, durcir les conditions d’octroi de la nationalité belge) et de sécurité intérieure (suppression du système de liberté conditionnelle). Des thématiques souvent présentées par le parti comme interdépendantes qui « contribuent à stigmatiser soit les étrangers, soit l’islam et les personnes de confession musulmane », explique le politologue, également professeur à l’Université catholique de Louvain.
Typique du discours d’extrême droite, le positionnement anti-establishment fait aussi partie de l’ADN du Vlaams Belang, visant à « créer un antagonisme entre le peuple et les élites politiques, économiques, culturelles et même médiatiques », ajoute-t-il.
Un style populiste qui séduit. En effet, poursuit Benjamin Biard, « beaucoup votent pour ce parti, pas tellement pour son programme, mais parce qu’il incarne une rupture par rapport aux autres partis ».
Les autres électeurs votent néanmoins par adhésion aux idées que le Vlaams Belang incarne. Récemment, un sondage a mis en évidence que la première des préoccupations des Flamands demeurait la question migratoire. « La plupart des électeurs se dirigent vers ce parti parce qu’ils estiment qu’il est le plus à même de répondre à cette problématique ».
Condamné en 2004 pour racisme et xénophobie sous son ancien nom, le Vlaams Belang tient encore aujourd’hui des discours sans équivoque, reprenant notamment la théorie complotiste identitaire du « grand remplacement » – qu’il désigne par le terme néerlandais « omvolking » (terme de l’idéologie nazie signifiant « repeuplement ») – en référence à un supposé remplacement progressif des Européens dits « de souche » par des immigrés non-européens venus principalement de pays musulmans.
Le 6 mai 2023, le parti avait même invité Renaud Camus, le père de cette théorie, à s’exprimer devant le Parlement flamand pour donner une conférence sur l’ »immigration de masse » et « le grand remplacement ».
« On voit que les liens de sympathie entre eux existent », commente Benjamin Biard. « C’est un parti qui épouse très clairement cette thèse, et qui l’utilise beaucoup dans le cadre de sa campagne ».
Une campagne largement menée sur les réseaux sociaux et s’adressant massivement aux jeunes. Car pour la première fois, la Belgique, où le vote est obligatoire, fera voter ses électeurs à partir de 16 an. Cette nouveauté, valable uniquement pour le scrutin européen, concerne près de 270 000 électeurs.
Un potentiel réservoir de votes supplémentaires pour l’extrême droite ? « Le Vlaams Belang a un électorat plus jeune que la moyenne des électorats tous partis confondus », affirme Benjamin Biard, confirmant un sondage de la Haute école flamande PXL et TV Limburg selon lequel 24,9 % des primo-votants flamands donneront leurs voix au Vlaams Belang, leur parti favori devant les écologistes flamands « Groen », et la N-VA.
Selon ce sondage, les amis et les réseaux sociaux sont déterminants dans le choix électoral de ces jeunes. Des réseaux sociaux sur lesquels le Vlaams Belang mise beaucoup : en 2023, le parti a dépensé 1,7 million d’euros sur Meta (Facebook et Instagram) pour sa promotion, selon le dernier rapport AdLens.