De notre correspondante – Pour d’anciens internationaux ivoiriens, la 34e Coupe d’Afrique des Nations en Côte d’Ivoire est une opportunité majeure pour mettre en garde les jeunes talents du football ivoirien tentés par l’émigration clandestine vers l’Europe. Par M. CAMARA
Ils se déplacent dans des clubs de football, dans des fans zones et des quartiers où ils savent que les candidats au départ sont potentiellement nombreux. C’est pour eux une opportunité de contrer les prédateurs exploitant la vulnérabilité des familles en promettant une vie meilleure et une carrière footballistique internationale à leurs enfants de l’autre côté de la Méditerranée.
L’importance de cet engagement est soulignée par Didier Zokora, dit Maestro, ancien milieu de terrain des Éléphants de Côte d’Ivoire. « C’est une période de fête, mais également de sensibilisation, car le football exerce un impact très puissant dans mon pays. Actuellement, de nombreuses personnes plaisantent avec les parents en disant : ‘Donne-moi deux millions, trois millions, je peux emmener ton fils en Europe.’ Nous cherchons à mettre un terme à ce fléau, car de nombreux parents souffrent, et de nombreux enfants perdent la vie en tentant de traverser les frontières sur des bateaux. En tant qu’acteurs majeurs du football ivoirien, nous aspirons à stopper ce phénomène. En tant qu’anciennes gloires, nous possédons une histoire, un vécu, un passé. Ainsi, nous voulons dire aux jeunes Ivoiriens qui rêvent de devenir les Didier Drogba , Yaya Touré de demain, et qui souhaitent aller en Europe, de suivre la voie normale. »
Des témoignages qui changent des destins
Au Royal football club d’Abidjan (Rofca) dans la commune populaire d’Abobo, une cinquantaine d’apprentis footballeurs rêvent d’une carrière internationale. Des trajectoires de jeunes footballeurs, tels que Paul Bérenger, étudiant en communication, rappellent l’impact positif de la sensibilisation. Ayant envisagé le départ, il a renoncé après avoir entendu son idole Baky Koné, ancien attaquant de l’Olympique de Marseille, parler de la gravité de la migration clandestine.
« Il est crucial de souligner l’importance de s’entourer judicieusement dans le milieu du football pour assurer la réussite de sa carrière. (…) Nous sommes conscients que choisir de voyager par voie maritime expose à des dangers. (…), notre obsession du succès ne doit pas compromettre notre sécurité. (…) Personnellement, j’avais pris toutes les mesures nécessaires, y compris l’obtention de mon passeport, pour réussir, non seulement pour moi-même, mais aussi pour ma famille et mes proches. Cependant, en écoutant les anciens footballeurs parler des risques liés à la migration clandestine, je décide de renoncer à cette option. »
Sourire aux lèvres, Baky Koné, l’attaquant ivoirien démontre qu’il vient de réussir un pari. Un des joueurs du Rofca a renoncé à son projet de migrer vers l’Europe. Mais pour lui, rien n’est gagné. Même après la CAN, il faut que ce genre d’initiative se poursuive.
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« On essaie de profiter de la CAN pour sensibiliser nos jeunes frères sur ces fléaux. C’est très important parce que c’est déjà quelque chose que l’on fait depuis toujours à côté. Quand on voit des jeunes essayer de faire de mauvais choix, on essaie à chaque fois de les sensibiliser. Mais là, ça fait encore plus plaisir quand le ministère associe notre image à ce genre de sensibilisations. Moi, je le fais avec plaisir, parce que pas mal de personnes aimeraient nous voir et écouter notre histoire. »
Du rêve européen à l’espoir local : le parcours du coach
Ibrahim Traoré, le coach de l’équipe Rofca, a lui-même tenté de rejoindre l’Europe en 2009, alors qu’il avait 22 ans. Au total, la somme de 3 000 000 Francs CFA (4600 euros) a été déboursée par ses parents pour faciliter son départ. Abandonné par la personne qui leur avait promis le rêve, il est finalement resté bloqué au Maroc pendant plus de deux ans, à vivre dans un trois-pièces exigu avec une dizaine de personnes, toutes victimes de ce réseau. Des professionnels du football l’ont repéré et l’ont convaincu qu’il avait un avenir en Côte d’Ivoire. Il explique son aventure aux potentiels candidats à l’immigration dans son club et essaie de les guider, mais sa voix ne porte pas toujours.
« L’aventure footballistique, lorsqu’elle est bien préparée et que l’on sait où l’on va, est plus enrichissante. Tout le monde est rassuré : les formateurs, les parents, et même le joueur lui-même en partant, car on sait qu’il évolue d’un club à un autre. Je suis moi-même un exemple vivant. J’ai tenté l’aventure au Maroc, mais l’idée n’était pas de rester là-bas, mais plutôt d’aller en Europe J’ai été convaincu par des professionnels qui étaient déjà au Maroc, et qui ont tenté de m’expliquer que je n’avais pas pris le bon chemin. C’est après cela que je suis retourné à Abidjan et que j’ai décidé de devenir coach dans mon pays. (…) Il y a certaines expériences que nous pouvons expliquer, car nous sommes avec eux au quotidien. Ils peuvent ne pas nous croire, mais quand des célébrités viennent en parler avec eux, je pense que nous n’aurons plus affaire à ce genre de cas ici dans notre club. »
L’importance de l’engagement collectif
Cette caravane de mobilisation lancée le 18 janvier à l’Agora d’Abobo est soutenue par le programme national de volontariat et de bénévoles, géré par le ministère de la Promotion de la Jeunesse, de l’Insertion Professionnelle et du Service Civique, en collaboration avec l’Office du service civique national (OSCN).
Plus de 20 000 bénévoles ont été formés sur des sujets tels que la migration clandestine, mais aussi sur ceux des maladies sexuellement transmissibles, le VIH/SIDA, les violences basées sur le genre, la drogue et l’alcool. Ces jeunes, à leur tour, devront transmettre ces conseils à leur entourage et dans les quartiers. A l’occasion de la CAN, le collectif d’anciennes gloire du football, le gouvernement et les bénévoles veulent marquer des buts décisifs dans la vie de milliers de jeunes rêveurs.