Soixante-sept pays, ainsi que l’UE en tant qu’organisation, ont signé mercredi le traité historique de protection de la haute mer, qui prévoit notamment la création d’aires marines protégées. Il pourrait entrer en vigueur dès 2025, au moment de la prochaine Conférence des Nations unies sur l’océan en France.
Près de 70 pays ont signé mercredi 20 septembre un traité historique de protection de la haute mer, faisant espérer une entrée en vigueur dès 2025 pour mettre à l’abri des écosystèmes marins vitaux pour l’humanité.
« C’est incroyable d’être ici et de voir tant d’espoir et tant de détermination pour transformer notre vision de l’océan, d’une grande poubelle, d’un lieu où on se sert, à un lieu qu’on protège, qu’on respecte », a déclaré à l’AFP l’actrice américaine Sigourney Weaver, en marge d’un événement rassemblant nombre des premiers pays signataires.
« Il est clair que l’océan a un besoin urgent de protection, et si nous ne le faisons pas, c’est la fin de la partie », a lancé le vice-Premier ministre belge Vincent van Quickenborne.
« Nouveau chapitre »
États-Unis, Australie, Royaume-Uni, France, Allemagne, Chili, Chine, Costa Rica, Mexique, Norvège, Fidji… Soixante-sept pays (plus l’UE en tant qu’organisation) ont signé le traité dès l’ouverture des signatures, selon l’ONU.
« C’est le début d’un nouveau chapitre lors duquel la communauté internationale devra prendre des actions audacieuses », a réagi Nichola Clark, de l’ONG Pew Charitable Trusts. Après une ultime négociation marathon en mars, le texte a été formellement adopté par consensus le 19 juin, même si la Russie a pris « ses distances ».
La haute mer commence là où s’arrêtent les zones économiques exclusives (ZEE) des États, à un maximum de 200 milles nautiques (370 km) des côtes et n’est donc sous la juridiction d’aucun État. Même si elle représente près de la moitié de la planète et plus de 60 % des océans, elle a longtemps été ignorée dans le combat environnemental. Alors l’outil phare du nouveau traité y prévoit la création d’aires marines protégées.
Aujourd’hui, environ 1 % seulement de la haute mer fait l’objet de mesures de conservation. Mais en décembre à Montréal, l’ensemble des États de la planète s’est engagé lors de la COP15 sur la biodiversité à protéger, d’ici cop2030, 30 % des terres et des océans de la planète. Pour y parvenir, le nouveau traité est capital, mais tout dépendra de sa date d’entrée en vigueur, 120 jours après la 60e ratification – processus plus ou moins long selon les pays.
« Course aux ratifications »
« La course aux ratifications commence et nous appelons les pays à être ambitieux, à ratifier le traité pour s’assurer qu’il entre en vigueur en 2025 », au moment de la prochaine Conférence des Nations unies sur l’océan en France, a déclaré Mads Christensen, patron par intérim de Greenpeace International. « Nous avons moins de sept ans pour protéger 30 % des océans, il n’y a pas de temps à perdre ».
Même si le seuil de 70 ratifications semble à portée de main dans un futur proche, ce chiffre est bien loin de l’universalité espérée par les défenseurs d’un océan qui ne connaît pas de frontières. « Nous sommes tous dans le même bateau », a insisté auprès de l’AFP le commissaire européen à l’Environnement Virginijus Sinkevicius. « Aucun pays, aucun groupe de pays ne peut lutter seul contre la triple crise planétaire : perte de biodiversité, changement climatique et pollution ».
La science a prouvé l’importance de protéger tout entier l’océan, foisonnant d’une biodiversité souvent microscopique qui fournit la moitié de l’oxygène que nous respirons et limite le réchauffement climatique en absorbant une partie importante du CO2 émis par les activités humaines. Mais il est menacé par le changement climatique, les pollutions et la surpêche.
Moratoire sur l’extraction minière sous-marine
« Nous l’avons bousillé (…) et ce traité est l’occasion de changer les choses », a lancé l’actrice et militante Jane Fonda. « Même les chiens ne font pas leurs besoins dans leur niche ! ».
Hormis les aires marines, le nouveau traité introduit notamment l’obligation de réaliser des études d’impact sur l’environnement des activités envisagées en haute mer. Le texte ne liste pas ces activités, qui pourraient aller de la pêche à l’exploitation minière du plancher océanique en passant par le transport maritime. Des activités qui dépendent parfois d’autres organisations internationales, comme l’Autorité internationale des fonds marins.
Le secrétaire d’État français à la Mer Hervé Berville a d’ailleurs saisi l’occasion pour répéter l’appel de la France – loin d’être consensuel – à un moratoire sur l’extraction minière sous-marine. « Nous ne serons pas crédibles si nous ratifions le traité sur la haute mer mais permettons une activité qui va causer du tort au climat, à la biodiversité, et aux communautés à travers le monde », a-t-il insisté.
Avec AFP