Séisme au Maroc: les secours s’activent, dans un contexte difficile
Séisme au Maroc: les secours s'activent, dans un contexte difficile
Au Maroc, 2 122 morts et 2 421 blessés, c’est le dernier bilan provisoire, du séisme de magnitude 6,8 qui a frappé le pays dans la nuit de vendredi à samedi. Au lendemain du tremblement de terre, les secours s’activent et la solidarité s’organise, dans un contexte difficile.
Les besoins d’aide du Maroc sont immenses. « Ce ne sera pas l’affaire d’une semaine ou deux (…) Nous tablons sur des mois, voire des années de réponse », a averti dans un communiqué Hossam Elsharkawi, directeur pour le Proche-Orient et Afrique du Nord de la Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge.
On est dans une course contre-la-montre classique « où chaque heure compte pour sauver des vies », explique sur RFI le Dr Jean-François Corty, médecin et vice-président de Médecins du monde et chercheur associé à l’Iris. « Mais ce sont vraiment les Marocains qui sont en première ligne qui sont ceux qui vont devoir répondre à ces urgences vitales : les autorités qui sont déjà en action, notamment avec l’armée, la sécurité civile, expérimentés sur ces situations, et puis les habitants, les citoyens, les voisins, qui vont s’aider entre eux, une chaine de solidarité s’active. Il faut aujourd’hui sortir les victimes des décombres et puis faire les premiers soins qui sont essentiellement de la chirurgie traumatologique. C’est aussi faire du soin psychologique d’entrée, c’est aussi considérer qu’il va y avoir des personnes qui seront en besoin notamment de dialyse, parce qu’ils auront eu des membres comprimés. »
Plus de la moitié des victimes ont été recensées dans deux zones rurales montagneuses au cœur du Haut Atlas, selon le ministère de l’Intérieur. Des zones difficiles d’accès donc. C’est le premier défi, selon Karim Tazi, le fondateur de la Banque alimentaire marocaine, joint par Claire Fages, de la rédaction Afrique de RFI : débloquer les routes vers les villages du Haut Atlas encombrées par les gravats.
« Les autorités s’activent de façon très forte pour, déjà, commencer à dégager les corps qui sont encore sous les décombres et les faire affluer vers les hôpitaux de province, dit-il. Le problème, c’est que comme nous sommes en région de montagne et que certaines routes ont été coupées par les gravats, il est parfois difficile d’accéder à certains de ces villages, que nous appelons au Maroc des « douars ». Donc pour le moment, la priorité des secours est de libérer l’accès à tous les villages. Il faut préciser que nous sommes en train de parler en superficie d’une région qui est très importante puisque c’est une grande partie des montagnes du Haut Atlas marocain, et ensuite, de pouvoir dégager les corps ensevelis et de faire affluer les blessés vers les hôpitaux, et ce ne sera probablement qu’après cela que le travail de distribution des aides pourra être sérieusement organisé. »
Les dons du sang affluent
Au lendemain du séisme, les blessés affluent vers les hôpitaux, notamment de Taroudant, où l’urgence est de disposer de suffisamment de sang, poursuit Karim Tazi : « Les informations dont je dispose de façon directe et fiable font état d’un grand nombre de blessés qui seraient déjà arrivés à l’hôpital provincial de l’une des régions les plus touchées, qui est l’hôpital de Taroudant, et aussi, l’afflux de blessés aux hôpitaux d’Agadir et aux hôpitaux de Marrakech. »
Le fondateur de la Banque alimentaire marocaine l’assure également : « Ce qui est le plus important pour le moment, c’est surtout de faire parvenir les dons du sang à ces différents hôpitaux. La bonne nouvelle, c’est que la mobilisation des citoyens marocains est énorme, et les centres de transfusion sont carrément pris d’assaut. Donc, cette question de don du sang et d’aide à ceux qui affluent vers les hôpitaux est déjà prise en main, à la fois par les autorités et par les citoyens eux-mêmes. Il ne fait pas beaucoup de doute que l’organisation de la distribution des aides va aussi se mettre en place assez rapidement et assez efficacement, dans le cadre d’une bonne coordination entre autorités publiques, surtout à l’échelle locale, et différentes organisations de la société civile. »
Des touristes mobilisés au côté des Marocains
Dès la nuit de vendredi à samedi, quelques heures à peine après le séisme, le centre régional de transfusion sanguine de Marrakech avait lancé un appel en urgence. Dans la journée de samedi, à travers tout le pays, de Rabat à Casablanca jusqu’à Oujda et Tanger au nord, d’autres centres ont ouvert leurs portes, rapporte Maud Ninauve, notre correspondante à Tanger. Les citoyens ont appelé les familles, amis, à se mobiliser et les Marocains ont répondu en masse.
À Marrakech, les centres de transfusion pour sauver les blessés ne désemplissent pas. Il y avait une queue de plusieurs centaines de mètres dès ce matin 8 heures, avant même l’ouverture à 9 heures. Tout le monde veut apporter son soutien et veut donner son sang pour les nombreux blessés qui continuent d’affluer au principal centre hospitalier de la ville. C’est le cas notamment de Nadia, qui est infirmière à Paris et qui était en vacances.
« On a envie d’aider les gens, dit-elle. En tout cas, moi, je n’arrive plus à rester bronzer devant ma piscine. Ça a pris une grande ampleur sur les réseaux sociaux. Déjà depuis hier, ils appelaient au don du sang. Initialement, j’étais venue pour donner mon sang, et puis je me suis dit : pourquoi pas servir comme je peux, mettre la main à la pâte, aider mes collègues marocaines ? Étant donné qu’on est dans le corps médical et qu’on connait certaines choses, on apporte notre pierre à l’édifice. »
Une ville de Marrakech très solidaire
Partout en ville, des initiatives se multiplient pour venir en aide aux sinistrés. Des caisses de fruits, des packs d’eau minérale sont par exemple déposés en permanence au centre de transfusion où nous nous trouvions ce matin, apportés par de simples particuliers ou par des chefs d’entreprise. Des collectes de vêtements et de nourriture sont également organisées un peu partout en ville. Les élèves de Victor Hugo, le lycée français de Marrakech, ont par exemple organisé dimanche matin une collecte.
En début d’après-midi, un convoi était en route pour Amizmiz, dans la plaine du Haouz. Cette petite ville de 20 000 habitants est située à un peu plus d’une heure de route de Marrakech, elle était proche de l’épicentre, et elle a durement été touchée. L’urgence aujourd’hui, c’est bien sûr l’acheminement de l’eau et de la nourriture vers tous ces villages enclavés, dont l’accès est aujourd’hui quasi impossible.
Un système de santé structuré
Autre mobilisation essentielle annoncée par la presse marocaine : les cliniques privées décident de s’investir. Le syndicat national de ces cliniques au Maroc promet de mettre à disposition des autorités les moyens techniques et les équipes médicales.
Le Maroc a un système de santé structuré, rappelle le Dr. Corty, avec « un corps médical qui est très bien formé, des structures hospitalières et de santé primaires très fonctionnelles. Il n’y a pas d’hôpitaux qui ont été particulièrement affectés sur ce tremblement de terre. La problématique, c’est qu’ils sont, ces grands hôpitaux, loin des villages concernés. D’où ce qui a été mis en place : la construction d’un ou deux hôpitaux de campagne et qui permet de prendre les blessés, les stabiliser, peut-être commencer à les opérer sur place, mais évidemment, si ces structures de proximité et d’abris en urgence sont saturés, il sera facilement possible pour les autorités de les transférer vers les hôpitaux qui sont fonctionnels à Agadir, Marrakech ou ailleurs. »