La cheffe de la diplomatie libyenne suspendue après une rencontre « fortuite » avec son homologue israélien
Le ministre israélien des Affaires étrangères Eli Cohen a annoncé, dimanche, s’être entretenu avec son homologue libyenne Najla al-Mangoush à Rome la semaine dernière. Celle-ci a été suspendue par le chef du gouvernement libyen et soumise à une « enquête administrative ».
Le chef du gouvernement libyen a suspendu « provisoirement » sa ministre des Affaires étrangères, Najla al-Mangoush, après l’annonce dimanche 27 août d’une rencontre avec son homologue israélien, Eli Cohen, la semaine dernière à Rome.
Najla al-Mangoush est soumise à une « enquête administrative » par une commission présidée par la ministre de la Justice, a annoncé le gouvernement d’Abdelhamid Dbeibah dans une décision officielle publiée sur Facebook.
Quelques heures auparavant, Eli Cohen avait annoncé s’être entretenu avec son homologue libyenne lors d’une rencontre « inédite ». « J’ai parlé avec la ministre des Affaires étrangères du grand potentiel que représentent les relations entre les deux pays », a déclaré le ministre israélien des Affaires étrangères, selon un communiqué de son bureau.
« Ce qui s’est passé à Rome a été une rencontre fortuite et non officielle, au cours d’une rencontre avec son homologue italien (Antonio Tajani), qui n’a comporté aucune discussion, accord ni consultation », a réagi le ministère libyen des Affaires étrangères dans un communiqué.
La ministre a rappelé « de manière claire et sans ambiguïté la position de la Libye à l’égard de la cause palestinienne », a ajouté le ministère, assurant que Najla al-Mangoush avait « refusé de s’entretenir avec une quelconque partie représentant l’entité israélienne » et était « restée catégoriquement ferme sur cette position ».
Le ministère libyen a, en outre, dénoncé une « exploitation par les médias hébraïques et internationaux » de cet « incident » qu’ils tentent de présenter comme « une réunion ou des pourparlers ».
« Une violation des lois libyennes »
La Libye, plongée dans le chaos depuis la chute du régime de Mouammar Kadhafi en 2011, n’entretient pas de relations diplomatiques avec Israël.
Après l’annonce israélienne de la rencontre, le Conseil présidentiel (CP) libyen, un organe doté de certains pouvoirs exécutifs, a réclamé « des éclaircissements » au gouvernement, selon la chaîne de télévision Libya al-Ahrar, citant une correspondance confirmée par la porte-parole du CP, Najwa Wheba.
Pour le CP, « ceci ne reflète pas la politique étrangère de l’État libyen, ne représente pas les constantes nationales libyennes et est considéré comme une violation des lois libyennes qui criminalisent la normalisation avec l’entité sioniste ».
Le ministre israélien a dit avoir évoqué avec Najla al-Mangoush « l’importance de préserver l’héritage du judaïsme libyen à travers la réparation des synagogues et des cimetières juifs dans ce pays ».
Il s’agit d’une « première étape dans les relations entre Israël et la Libye », a dit ce ministre, estimant que « la taille et la place stratégique de la Libye offrent une opportunité immense pour l’État d’Israël ». Cette rencontre s’est déroulée sous les auspices du ministre italien des Affaires étrangères Antonio Tajani, selon le communiqué israélien.
Manifestations à Tripoli
La majeure partie de la population juive libyenne a quitté ce pays pendant les vingt années qui ont suivi la Seconde Guerre mondiale, principalement pour aller en Israël.
Quelques centaines de juifs vivaient encore en Libye au moment du coup d’État en 1969 de Mouammar Kadhafi, qui les a ensuite expulsés, a fait confisquer leurs biens et détruit des synagogues.
Israël a normalisé ces dernières années ses relations avec certaines nations arabes, dans le cadre des accords d’Abraham sous l’égide des États-Unis. Cependant, la politique actuelle du gouvernement de Benjamin Netanyahu a fait l’objet de critiques des pays arabes à la suite de la vague de violences en Cisjordanie occupée ainsi que face à la poursuite de la colonisation dans ce territoire.
Des mouvements de protestation spontanés ont éclaté dimanche à Tripoli et dans plusieurs banlieues de la capitale en signe de refus d’une normalisation avec Israël, puis ils ont gagné d’autres villes où des jeunes ont coupé les routes, brûlé des pneus et brandi le drapeau palestinien.
Le centre-ville de Tripoli a été paralysé par les manifestants, dont un groupe s’est dirigé vers le ministère des Affaires étrangères pour réclamer la démission de Najla al-Mangoush, selon des vidéos postées sur les réseaux sociaux. Encouragés par les conducteurs des voitures passant à proximité, les manifestants ont tenté de forcer l’enceinte du ministère, brandissant des drapeaux palestiniens.
Avec AFP