Le président de transition tchadien s’est rendu dimanche au Niger, où il a entamé une médiation auprès des militaires putschistes et du président Mohamed Bazoum, renversé lors d’un coup d’État et toujours séquestré dans sa résidence. Bien que critiqué sur le plan démocratique, Mahamat Idriss Déby Itno était le seul à pouvoir jouer ce rôle, estiment plusieurs experts.
Six jours après le coup d’État militaire au Niger, la situation est de plus en plus tendue entre les soutiens du pouvoir déchu et les militaires putschistes.
Alors que la Cédéao (Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest) exige la libération du président Bazoum et de sa famille, sous peine de recourir à « la force », la junte militaire a accusé la France de « vouloir intervenir militairement » pour réhabiliter le président élu.
C’est dans ce contexte que le Tchad, voisin du Niger, a débuté, dimanche 30 juillet, une tentative de médiation pour trouver une sortie de crise.
Une visite au cours de laquelle le président de transition Mahamat Idriss Déby Itno a rencontré le général putschiste Abdourahamane Tiani, le président déchu Mohamed Bazoum ainsi que son prédécesseur Mahamadou Issoufou, qui avait lui-même tenté de négocier, en vain, avec les militaires.
Saluant « des échanges approfondis » avec les différentes parties, le président de transition tchadien a défendu « une approche fraternelle » visant à « explorer toutes les pistes afin de trouver une issue pacifique à la crise ».
Après avoir effectué ce matin un séjour éclair de consultation à Abuja au Nigeria sur l’invitation du président Nigérian, Président en exercice de la CEDEAO, j’ai bouclé mon déplacement par une visite au #Niger qui traverse une crise politique majeure.
À Niamey, j’ai eu des… pic.twitter.com/jxiM0TCiXS
— Mahamat Idriss Deby Itno (@GmahamatIdi) July 30, 2023
Un médiateur « putschiste »
Depuis son annonce, la médiation du Tchad a suscité une flopée de réactions, parfois critiques. « Quel scandale que d’envoyer un putschiste négocier avec un autre pour laisser le pouvoir. Quel genre de plan est-ce là ? » s’est indigné le journaliste malien Malick Konate sur le réseau X, anciennement Twitter. La chercheuse Niagale Bagayoko s’est elle aussi étonnée de la présence à Niamey de ce médiateur « lui-même à la tête d’une junte militaire ».
Au pouvoir depuis avril 2021, Mahamat Idriss Déby Itno a succédé à son père, le maréchal Idriss Déby Itno, tué sur le champ de bataille contre les rebelles, après 30 ans au pouvoir. Alors que, selon la Constitution, il revenait au président de l’Assemblée nationale d’assurer l’intérim, un conseil militaire a pris le pouvoir, avec à sa tête le fils du défunt président.
Opter pour Mahamat Idriss Déby Itno, qui n’a jamais été élu pour régler une situation de putsch, peut paraître « peu judicieux » explique Jean-Hervé Jézéquel, directeur du projet Sahel à l’International Crisis Group. Mais « il fallait trouver quelqu’un de suffisamment élevé dans la hiérarchie politique et en même temps qui puisse partager un certain message auprès des acteurs militaires » analyse-t-il.
Relations de proximité
Si nombre d’observateurs ont critiqué le message politique pour le moins malheureux de cette mission, les puissances régionales ont accueilli favorablement l’initiative tchadienne, y compris le Niger. Le Premier ministre du gouvernement déchu Ouhoumoudou Mahamadou (fils de l’ex-président Mahamadou Issoufou, NDLR), resté fidèle au président Bazoum, a estimé que cette médiation pourrait « apporter une solution au problème que nous rencontrons ».
« Les autorités du Niger et du Tchad se connaissent bien et entretiennent des relations très cordiales. L’ancien président Mahamadou Issoufou avait même plaidé auprès de François Hollande, plutôt critique d’Idriss Deby, pour l’inclure à l’intervention Serval » souligne Roland Marchal, chercheur à Sciences-Po spécialiste du Tchad.
Proche de Mohamed Bazoum, le président de transition tchadien l’est également des généraux qui ont pris le pouvoir. Les deux pays frontaliers ont mené des missions communes dans la région du Lac Tchad et sont membres du G5 Sahel, la force régionale créée en 2017 pour lutter contre l’expansion des groupes terroristes.
« Ce sont des militaires qui parlent à des militaires et on sait que dans ce genre de situation c’est important » analyse Jean-Hervé Jézéquel.