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DES MUNITIONS DE CHASSE FRANÇAISES UTILISEES CONTRE LES MANIFESTANTS A ZIGUINCHOR :

La douane s’en lève les mains à propos des importations d’armes, l’Etat reste aphone… encore une filiale française indexée

DES MUNITIONS DE CHASSE FRANÇAISES UTILISEES CONTRE LES MANIFESTANTS A ZIGUINCHOR : La douane s’en lève les mains à propos des importations d’armes, l’Etat reste aphone… encore une filiale française indexée

Les cartouches utilisées lors des manifestations à Ziguinchor ont intéressé nos confrères de Mediapart. Ces derniers ont mené une longue enquête sur la provenance des armes de chasse et des cartouches : Cheddite, filiale du groupe français Sofisport, l’un des leaders mondiaux des munitions. La douane sénégalaise est restée aphone sur l’importation des armes de chasse, le gouvernement n’a pas souhaité commenter l’affaire.

Mediapart, le très redouté journal d’information numérique, indépendant et participatif français, a tenté de percer le mystère des armes utilisées lors des manifestations du 23 mai à Ziguinchor. Nos confrères, qui ont mené une longue enquête, révèlent avoir obtenu des photographies et vidéos prises par des manifestants qui disent avoir été visés par des tirs ce jour-là. Sur les images, on distingue des cartouches au culot gravé du chiffre douze (12) et de plusieurs étoiles. Un signe distinctif des produits Cheddite, indique le journal, se référant à la page d’accueil du site internet du fabricant. Comment des culots de la société Cheddite, qui se revendique comme le premier fabricant français de douilles et d’amorces pour des cartouches utilisées pour la chasse et le ball-trap, se sont-ils retrouvés mêlés à cette scène de violence urbaine ?

Silence radio à la douane sur l’importation des armes de chasse

Le journal relève dans son enquête des anomalies quant à la présence de ces armes de chasse, car au même titre que le matériel dédié au maintien de l’ordre, les munitions de chasse ne sont pas considérées comme des armes de guerre, mais comme des armes civiles. Ce qui veut dire que les demandes d’exportation seront sous la responsabilité du service des autorisations de mouvements internationaux d’armes (Samia), dépendant de la Direction générale des douanes. Interrogée par nos confrères, la Douane française se contente de rappeler que les exportations d’armes civiles doivent être autorisées par l’octroi d’une licence d’exportation d’armes à feu, et qu’«aucune exportation d’armes, munitions ou leurs éléments ne peut être réalisée» à destination de pays «soumis à des mesures de restrictions sur les armes».

Une opacité dans l’exportation qui ne dit pas son nom

Tony Fortin, chargé d’études à l’Observatoire des armements, estime que cette procédure est caractérisée par une absence de contrôle approfondi, qui explique notamment que des munitions comme celles de Cheddite puissent se retrouver au Sénégal. «Le problème, c’est qu’il n’y a aucune transparence et aucun débat. Il y a encore moins d’informations que pour les armes de guerre, dont les détails des exportations sont dévoilés chaque année dans un rapport parlementaire», dit-il. Même Aymeric Elluin, chargé de plaidoyer armes à Amnesty International, déplore cette opacité qui entoure les exportations d’armes. «Pourtant, les Gomm Cogne, flash-balls, grenades lacrymogènes, fumigènes ou munitions de chasse peuvent être détournés de leur usage civil et se retrouver dans des conflits armés aux mains de milices», dit-il.
Le journal relate même une enquête de nos confrères de France 24 sur l’usage de munitions de la marque franco-italienne Cheddite contre des manifestations en Iran.
Autre scandale révélé par nos confrères, c’est le rapport publié en avril 2012, par le conseil de sécurité de l’Onu qui détaille comment des grenades lacrymogènes Nobel Sport se sont retrouvées dans un vaste trafic d’armes à destination de la Côte d’ivoire de Laurent Gbagbo. Avant d’être acheminées par deux trafiquants français vers la Cote d’ivoire, les grenades Nobel Sport ont transité vers les établissements Rabih Fakih, une armurerie de Dakar, avec lesquels Nobel Sport entretient des relations privilégiées.
En 2021, la France a exporté près de 105 millions d’euros d’armes civiles à travers le monde. Depuis 2004, ce sont 3,7 millions d’euros d’armes civiles qui ont été livrées au Sénégal.

‘’Boîte noire’’

Mediapart a tenté d’en savoir plus. Nos confrères ont contacté deux dirigeants de Cheddite : Gilles-Antoine Roccia, président du directoire de Sofisport, président du conseil d’administration de Nobel Sport, directeur général de Cheddite France (contacté par e-mail le 21 juin, relancé le 22 et le 3 juillet), et Serge Aubanel, secrétaire général de Cheddite France (contacté le 3 juillet par e-mail). Mais ces derniers n’ont pas répondu à leurs questions.
Médiapart a également sollicité le gouvernement sénégalais par l’intermédiaire des chargés de communication du ministère de l’Intérieur (contacté par sms les 21, 22, 23 juin et 2 juillet), de la gendarmerie nationale et de la présidence sénégalaise. Ils n’ont pas non plus répondu à leurs sollicitations.

Samba THIAM

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