Au coeur des fausses croyances africaines – LA PERSECUTION DES ALBINOS S’ACCENTUE [06/2011]
Article publié le 2011-07-23 par Par Jamil Thiam
Assurément, l’existence des albinos n’est pas encore acceptée par les peuples d’Afrique. Ces derniers continuent d’être victimes de superstitions. Mis à l’index de la société, victimes de sacrifices humains, des milliers d’albinos s’exilent dans les zones urbaines par crainte de persécution. Aujourd’hui, des associations s’engagent pour lutter contre leur marginalisation et mettre un terme aux fausses croyances sur ce groupe social. Le chanteur malien Salif Keita, lui-même albinos, demeure un fervent militant de cette cause.
Dans plusieurs pays, les albinos sont accusés de sorcellerie ou de pratiques magiques. Ceci est dû à la persistance de légendes conférant des spécificités mystiques aux personnes atteintes d’albinisme qui n’est qu’une anomalie congénitale se caractérisant par une absence partielle ou totale de pigmentation de la peau et du système pileux. Recherchés à cause de leurs présumés pouvoirs maléfiques, ils sont souvent victimes de sacrifices humains pour des raisons fantasmagoriques. Ces croyances attribuent aux organes des albinos un pouvoir guérisseur notamment au Mali, au Cameroun, en République Démocratique du Congo, au Burundi ou en Tanzanie.
En Tanzanie, une jeune albinos de 7 mois mutilée
La Tanzanie est le pays le plus touché par ce fléau. Les albinos y vivent un véritable calvaire. Outre les persécutions, ils sont sujets à une vague de meurtres. Dans certains cas, le gouvernement a pris l’initiative de les protéger particulièrement sur le chemin de l’école. Mais, si la protection en zone urbaine est possible, elle devient difficile en milieu rural. Depuis toujours, les albinos font l’objet de persécutions dans ce pays avec plus d’une cinquantaine de meurtres commis lors des trois dernières années. Les oreilles, la langue, le nez et les parties génitales d’un albinos se vendent à des milliers de dollars. On se le rappelle, l’année dernière, une jeune albinos de 7 mois a été mutilée, et neuf autres mutilés lors d’attaques à la machette. Conscientes du danger, les autorités ont entrepris de mettre un terme aux sacrifices humains. Ainsi, quatre Tanzaniens ont été condamnés en 2009 à la pendaison pour avoir assassiné et mutilé un albinos de 50 ans. Ce verdict, prononcé par la Haute Cour de Tanzanie, porte à sept le nombre de criminels condamnés à mort pour le meurtre d’albinos. Ces peines font partie des nouvelles mesures prises sur le plan juridique et politique par le gouvernement tanzanien.
Au Burundi, les malfaiteurs décapitent les albinos
En 2008, au Burundi, une albinos de six ans avait été assassinée suite à une série de crimes atroces perpétrés dans certains pays où les organes d’albinos sont sujets à un trafic lucratif destiné à la sorcellerie. Les assaillants ont décapité la jeune albinos avant de couper ses jambes et ses bras qu’ils ont emportés. La même année, six hommes en provenance de la Tanzanie ont fait irruption chez une famille d’un albinos de 9 ans. L’ayant ligoté, ils l’ont tué avant que le corps ne soit retrouvé démembré dans une rivière. Dans la même veine, un autre albinos de 14 ans avait encore été tué puis démembré dans le nord du Burundi. Avec cet assassinat, plus d’une centaine d’albinos ont été tués entre 2008 à 2010 dans différents pays de l’Afrique de l’Est. Face à ces crimes rituels, les autorités tentent de rétablir la sécurité. C’est pourquoi, en juillet 2009 au Burundi, des personnes mises en cause dans des assassinats ou tentatives d’assassinats d’albinos ont été condamnées à des peines de prison fermes allant d’un an à la perpétuité.
Au Kenya, les parents dans la peur
La persécution des albinos est également une chose courante au Kenya. Dans ce pays, des centaines de personnes atteintes d’albinisme ont quitté leur village pour échapper à la persécution. En août 2010, un homme a été arrêté pour avoir tenté de vendre un albinos. Il a été condamné à une peine de 17 ans de prison et une amende. À Nairobi, beaucoup de jeunes albinos ne se sentent pas à l’aise en particulier à la tombée de la nuit. Les parents, ayant des enfants albinos, vivent dans la peur. Car, plusieurs attaques ont été perpétrées contre les enfants albinos, victimes de meurtres à cause d’une fausse croyance selon laquelle leurs organes (nez, mains, yeux et autres) ont des pouvoirs dans les rituels de sorcellerie. Au Kenya, le plus récent crime a eu lieu le 24 décembre dernier.
Au Congo, les albinos marginalisés à l’école
Face aux brimades et à la marginalisation dont sont victimes les albinos, est créée la Fédération pour la Défense des Albinos au Congo. En effet, les albinos congolais sont marginalisés par la société entière qui les rend responsables de tous les maux. Ils sont accusés de sorcellerie et de pratiques magiques. Ils sont également victimes de discrimination dans le système scolaire et dans la vie active. Sur le plan scolaire, par exemple, avec un environnement hostile, les albinos souffrant d’insuffisances physiques, sont très peu scolarisés. Les fréquentes tortures psychologiques et morales ne permettent pas aux albinos d’avoir accès aux études de haut niveau. A Kisangani, pour combattre toutes ces croyances bien ancrées dans la société, les albinos se sont regroupés en association pour la protection et le développement de la personne albinos (Aprodepa). Un dur combat pour se faire accepter et lutter contre les préjugés trop répandus. La naissance d’un bébé albinos dans une famille est souvent source de conflit, une honte et une humiliation.
Au Cameroun, convoités par certains politiciens
Au Cameroun, certains attribuent aux albinos des pouvoirs maléfiques. En effet, l’ambiguïté que représente un être blanc né de deux parents noirs alimente les fausses croyances et les pratiques occultes autour des albinos. Ils auraient des forces surnaturelles. Ils pourraient prédire l’avenir, jeter des mauvais sorts ou encore apporter la richesse. Ils sont souvent recherchés pour les sacrifices humains qui garantiraient un enrichissement ou une éminence sociale. Au moment des compétitions électorales, les albinos sont aussi convoités par certains candidats.