Quel bilan pour le sommet des économies africaines ?
Le continent pourra compter sur un soutien en faveur de la levée des brevets et un éventuel « accord politique » entre juin et octobre au sujet des DTS.
Le sommet sur le financement des économies africaines organisé à Paris à l’initiative du président Emmanuel Macron s’est achevé mardi 18 mai dans la soirée, avec comme principale annonce un soutien de la communauté internationale sur le plan sanitaire, mais sans prendre d’engagement financier ferme sur le plan économique. Rappelons que l’objectif de ce sommet était de lancer un « New Deal » selon l’expression du président français, afin de relancer les économies africaines asphyxiées par les conséquences économiques de la pandémie de Covid-19. L’ambition était de récolter 100 milliards de dollars pour combler en partie le besoin de financement de l’Afrique.
Aller vers 100 milliards de DTS à l’Afrique
Bien que le continent soit relativement épargné sur le plan sanitaire, avec 130 000 morts du Covid-19, selon les chiffres officiels, sur un total mondial de près de 3,4 millions, elle paye un très lourd tribut économique et social, faute d’avoir pu comme les pays les plus riches lancer de pharaoniques plans de relance. Selon le FMI, il manque près de 300 milliards de dollars à un continent qui a besoin d’investir massivement pour enrayer la pauvreté, développer les infrastructures, affronter le changement climatique et la menace djihadiste.
À l’issue du sommet, les participants n’ont pas annoncé d’engagement ferme sur ce plan financier, mais promis d’engager des discussions autour des « droits de tirage spéciaux » (DTS) du Fonds monétaire international. Équivalents à une planche à billets du FMI, ces actifs monétaires peuvent être convertis en devises et dépensés, sans créer de dette.
La communauté internationale s’est déjà accordée sur le principe d’une émission globale de DTS de 650 milliards de dollars, dont 33 milliards doivent revenir mécaniquement à l’Afrique, par le jeu des quotes-parts au sein de l’institution de Washington. « C’est trop peu », a asséné le président français, qui appelle les pays riches à allouer aux pays africains une bonne partie de leurs DTS, comme s’engage à le faire la France, pour atteindre un total de 100 milliards de dollars.
Évoquant « un gros travail technique à faire », Emmanuel Macron a dit espérer un « accord politique » au sujet des DTS soit au prochain sommet du G7, soit à celui du G20, soit entre juin et octobre.
Convaincre Washington et poursuivre les discussions sur la dette africaine
Il s’agira surtout de convaincre les États-Unis. La secrétaire américaine au Trésor Janet Yellen s’est déclarée favorable à une redistribution des DTS dans un communiqué, sous réserve que l’usage des fonds soit « transparent et responsable ».
La France souhaite par ailleurs ouvrir la discussion sur une mobilisation des réserves d’or du FMI.
Autre sujet de discussions : la dette des pays africains, qui explose depuis la pandémie. Si un moratoire a permis de donner un peu d’air aux pays les plus endettés, la prochaine étape consisterait à effacer une partie des créances, dans une démarche coordonnée, sous l’égide du G20.
Les dirigeants africains ont eux insisté sur la nécessité de soutenir aussi le secteur privé africain, et de sortir d’une logique d’assistance publique internationale conditionnée à de dures réformes. Macky Sall a en particulier dénoncé le cadre « convenu » des contraintes budgétaires imposées aux pays africains, qui brident leur capacité d’investissement. Et appelé à passer d’une logique d’assistance à une dynamique de « coconstruction » entre le continent et le reste de la communauté internationale.
Un pas de plus vers la levée des brevets sur les vaccins ?
Cette coconstruction pourrait-elle se concrétiser sur le plan sanitaire ? En effet, Emmanuel Macron a souligné que les participants avaient décidé une « initiative très forte pour produire massivement des vaccins en Afrique », avec en particulier des « financements de la Banque mondiale ». « Nous soutenons les transferts de technologie et un travail qui a été demandé à l’Organisation mondiale de la santé, à l’Organisation mondiale du commerce et au Medicines Patent Pool [soutenu par l’ONU, NDLR] de lever toutes les contraintes en termes de propriété intellectuelle qui bloquent la production de quelque type de vaccins que ce soit », a déclaré le président français devant la presse à l’issue de la conférence. Cette annonce confirme un soutien international à la levée des brevets sur les vaccins, réclamée notamment par l’Inde et l’Afrique du Sud, après l’appel en ce sens du président américain Joe Biden, auquel l’Europe a emboîté le pas, malgré l’opposition des laboratoires pharmaceutiques.
Étant donné le temps nécessaire pour lancer ces productions, Emmanuel Macron a expliqué qu’à court terme les participants au sommet étaient convenus de « pousser l’ambition de Covax (organisation de distribution de vaccins aux pays pauvres) de 20 % à 40 % de personnes vaccinées en Afrique ». Pour l’instant, à l’exception du Maroc, où 13 % de la population a reçu une première injection, les taux de vaccination restent faibles sur le continent africain, compte tenu d’un approvisionnement insuffisant.
Le président sénégalais Macky Sall a relevé que les campagnes de vaccination menées tambour battant dans les pays industrialisés ne garantissent « absolument pas la sécurité sanitaire ». Il a mis en garde contre le risque de développement en Afrique de « variants extrêmement résistants ».
Le président de la République démocratique du Congo (RDC), Félix Tshisekedi, qui assure la présidence tournante de l’Union africaine, a lui souligné que l’enjeu était aussi de convaincre les populations, en contrant le « travail de sape des réseaux sociaux qui ont diabolisé la vaccination ». Fin avril, son pays a dû rendre à l’initiative Covax 1,3 million de doses de vaccins AstraZeneca faute de pouvoir les administrer avant leur date de péremption. Le motif ? La défiance des populations à l’égard des vaccins. « Nous avons reçu 1,6 million de doses, on n’a réussi à vacciner que 10 000 personnes et pour la plupart des expatriés », s’est-il désolé.