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Kako Nubukpo : « L’Afrique ne produit pas ses propres dirigeants »

« Changeons le modèle de croissance », tel est le leitmotiv de l’économiste togolais, qui avance, dans son nouveau livre, des pistes pour faire de l’essor démographique du continent un atout.

Kako Nubkpo.
Kako Nubkpo. © DRFP/OdileJacob

Le ton est donné dès le premier chapitre intitulé « L’Afrique, laboratoire du néolibéralisme ». Kako Nubukpo, économiste et ancien ministre togolais, y soutient que « la tragédie grecque fut d’abord africaine ». « Au fond, c’est comme si on n’avait rien compris aux leçons de l’ajustement structurel imposé durant plus de trente ans en Afrique », se dit-il lorsqu’il assiste, effaré, aux mesures mises en place par la Troïka (Commission européenne, Banque centrale européenne, Fonds monétaire international) dans le contexte de la crise financière grecque de 2008.

L’ajustement structurel, qui désigne ces politiques d’inspiration néolibérale imposées à l’Afrique à partir des années 1980, l’a aussi marqué à titre personnel. « J’appartiens à une génération née à la fin des années 1960, et mon adolescence, c’est l’ajustement structurel. Et quand on dit que les élites africaines ne rentrent pas en Afrique, on oublie parfois que ce fut aussi un traumatisme pour la classe moyenne urbaine africaine qui n’avait plus d’avenir chez elle. Parmi les gens de ma génération qui ont eu la chance de partir, très peu sont revenus au pays. Très peu », nous dit-il.

L’urgence africaine, changeons le modèle de croissance, paru aux éditions Odile Jacob, cependant, est loin de se résumer à cette seule analyse des paradoxes des mesures élaborées par les institutions financières internationales durant ces décennies du « tout-marché ». Celui qui est devenu récemment doyen de la faculté des sciences économiques et de gestion de l’université de Lomé – il est aussi chercheur au Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad) – y passe en revue de nombreux enjeux auxquels le continent est confronté. La démographie, les migrations, le franc CFA – un de ses sujets de prédilection –, le marché commun, ou « les faux-semblants de l’émergence ». Il plaide aussi pour un retour du « politique », à travers des formes hétéroclites, et de la souveraineté. Et donne quelques raisons d’espérer. « Nous avons tout en Afrique : la terre, les travailleurs, et même les fonds quand on voit les flux de capitaux illicites qui sortent du continent. Selon la Commission économique des Nations unies pour l’Afrique, cela représente près de 80 milliards de dollars par an. C’est bien plus que les flux d’aide publique au développement et d’investissements directs étrangers », confie-t-il au Point Afrique.

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