Ismaila Sidibé : « On est vraiment parti de zéro. Africable, Tnt Sat Africa, tout ça est parti d’un vidéo club… »
A la tête du fournisseur de bouquets de télévision par satellite Tnt Sat Africa, Ismaila Sidibé s’apprête à partir à la conquête des marchés d’Afrique de l’Ouest. La tâche peut sembler compliquée, face aux entreprises étrangères et leurs moyens hors du commun, mais le Malien, présent dans ce secteur depuis les années 90 connaît la recette du succès. Et puis, il ne se laisse pas vraiment le droit d’échouer. Pour lui, ce n’est pas seulement une question de revenus financiers. Tnt Sat Africa et Africable, c’est sa manière de prouver que des chaînes de télévisions qui montrent des Africains aux Africains peuvent réussir.
Dans le milieu de l’audiovisuel africain, Ismaila Sidibé a su gagner le respect de tous ceux qui l’ont côtoyé. Respecté même par ses concurrents, il fait presque l’unanimité. Pourtant, au début des années 90, rien ne semblait indiquer que le Malien deviendrait aujourd’hui l’une des personnalités les plus influentes du secteur de l’audiovisuel africain. Lui non plus, ne s’imaginait certainement pas devenir un des pionniers de la télévision sur le continent. Aussi loin qu’il se rappelle, tout a commencé par une vision : celle d’un continent africain où les acteurs locaux du secteur prospèrent grâce à du contenu créé sur le continent.
Son combat : accompagner la création de chaînes de télévisions faites pour les Africains
« La télévision de demain, c’est celle que tout le monde comprend. Pendant des années, des programmes de chaînes étrangères qui posent un problème de barrière de langue et ne correspondent pas forcément à notre culture, ont été regardées sur le continent. Au Mali, seulement 20% de la population comprend français. Et c’est un problème qui se pose partout en Afrique. Il est important que tous les téléspectateurs africains soient intégrés. Des exemples comme les chaînes sénégalaises qui diffusent en wolof sont à encourager. Il y a un public africain qui est marginalisé et qui attend les acteurs », nous confie Ismaila Sidibé, après la visite du téléport de Tnt Sat Africa, son entreprise.
«
Pendant des années, des programmes de chaînes étrangères qui posent un problème de barrière de langue et ne correspondent pas forcément à notre culture, ont été regardées sur le continent.»
Ismaila Sidibé est également l’un des chantres de la collaboration « sud-sud » dans le domaine de l’audiovisuel. Pour lui, il faut que les acteurs africains du secteur trouvent le moyen de collaborer entre eux car ils sont les seuls capables de fournir des contenus réellement adaptés au besoin du public.
Du vidéoclub à la création d’un fournisseur de télévision par satellite
Ismaila Sidibé est né en 1961 au Sud du Mali, dans une famille de peuls. Il décide, après le lycée, d’arrêter ses études. En 1986, alors qu’il n’a que 25 ans, il se rend à Abidjan en Côte d’Ivoire. Sur place, il crée un vidéoclub. Il commence à s’intéresser au fonctionnement des installations qu’utilisent ses clients pour visionner les films qu’ils louent. C’est au fil de ces réparations qu’il développe une curiosité particulière pour les techniques de transmission des signaux de télévision par satellite. En très peu de temps, il commence à installer des antennes paraboliques pour ses clients.
Retour au pays
Après cette expérience ivoirienne, il décide de rentrer chez lui, au Mali. Il finit par rallier sa terre natale en 1990. Il va y lancer l’entreprise Mali Audiovision avant de fonder, deux ans plus tard, Multicanal SA. L’entreprise redistribue au Mali les images de chaînes comme TV5, Canal+ Horizons, MCM, compliquées à obtenir sur le territoire national.
Fort du succès de son entreprise, Ismaila Sidibé décide de créer, en l’an 2000, Africable, une des toutes premières chaînes généralistes africaines accessibles moyennant abonnement. Son objectif est simple. Il veut créer « une télévision faite par des Africains pour un public Africain ».
N »’aant pu obtenir une licence malienne, la chaîne émet depuis Paris. Le coût d’une telle configuration est énorme. Finalement, après une année d’activité, la chaîne arrête ses activités.
Mais Ismaila Sidibé refuse de laisser tomber. En 2004, après plusieurs tractations, il obtient un prêt de 1 million d’euros de la part d’Ecobank. Africable revient alors sur les ondes, cette fois en émettant depuis Bamako. Aussi, elle n’est plus cryptée, et est donc accessible en clair. En quelques années, elle réussit à gagner fidéliser une audience africaine demandeuse de ses programmes.
En 2015, le groupe Africable a 50 personnes et réalise un chiffre d’affaires d’environ 4 milliards de FCFA. La majorité de ce chiffre d’affaires est apportée par les annonceurs qui comprennent l’importance d’Africable pour cibler un public africain. En 2013, il décide de lancer des chaînes thématiques comme Maisha TV, dédiée aux femmes, ou Africawood, qui se consacre au cinéma africain.
Un touche-à tout, surnommé Nayou
Conscient depuis de nombreuses années du phénomène que représenterait la télévision par satellite en Afrique, il décide de créer Tnt Sat Africa, un fournisseur de télévision en clair offrant 54 chaînes de l’UEMOA.
En 2015, il lancera les activités de son téléport qui lui offre le potentiel de fournir son offre de chaînes sur tout le continent. La formule marche au Mali et commence à s’exporter dans des pays comme la Côte d’Ivoire. Pour s’assurer de la pérennité de son entreprise, le groupe a décidé d’offrir à 3000 jeunes Maliens une formation en installation d’antennes paraboliques.
Pour s’assurer de la pérennité de son entreprise, le groupe a décidé d’offrir à 3000 jeunes Maliens une formation en installation d’antennes paraboliques.
Mais, l’intéressé ne compte pas s’arrêter en si bon chemin. « Pour le moment nous fournissons des services liés à la télévision par satellite et à la TNT, mais demain, qui sait quel autre produit nous allons développer », nous confie-t-il à l’édition 2019 du Discop Abidjan. Pas étonnant pour ce touche-à tout, surnommé Nayou (l’hyperactif) par ses camarades de jeu durant son enfance.
Par Adama BAH, afripresse.com avec Ecofin