Mis sur pied du Conseil présidentiel pour l’Afrique par Emmanuel Macron pour permettre à la France de redorer son image auprès des sociétés civiles africaines
Mis sur pied par Emmanuel Macron pour permettre à la France de redorer son image auprès des sociétés civiles africaines, le Conseil présidentiel pour l’Afrique a permis en un an de réelles avancées mais reste avant tout un outil de communication.
L’annonce de sa création avait suscité des interrogations. Un an après, le Conseil présidentiel pour l’Afrique (CPA) d’Emmanuel Macron n’a que partiellement atteint ses objectifs. Cette instance composée d’une dizaine de membres bénévoles issus de la société civile, souvent bi-nationaux, a été lancée dans le but de recueillir les préoccupations « de la rue », et en particulier de la jeunesse africaine. En apportant une vision différente de l’Afrique, le CPA devait, selon l’Élysée, être un outil complémentaire de la diplomatie traditionnelle et avait pour mission de formuler des propositions à même de renouveler les relations franco-africaines.
Emmanuel Macron a compris une chose : l’image de la France auprès de la jeunesse africaine n’est pas bonne et son influence sur le continent en déclin. Un constat mis en lumière par un rapport parlementaire datant de 2015, intitulé « La stabilité et le développement de l’Afrique francophone ». Rédigé par l’ex-député des Alpes-Maritimes, Jean-Claude Guibal (LR), il soulignait que « la perception des populations [était] un élément qui [devait] être valorisé très soigneusement ».
« Sans doute d’une manière générale, faut-il y voir aussi le fait que notre pays ne semble pas avoir tenu compte de l’évolution des sociétés africaines, de la montée de nouvelles aspirations de la part de la jeunesse, avec laquelle les gérontocraties au pouvoir ne sont plus en contact, si tant est qu’elles l’aient jamais été. Notre pays n’a pas su se distancier des classes dirigeantes qu’il a toujours soutenues, et, surtout, ne s’est pas encore connecté avec les jeunes générations, qui feront l’Afrique de demain », pouvait-on notamment lire dans ce rapport d’information, qui posait également « la question du regard porté à nos forces armées sur le terrain », vues comme « libératrices dans un premier temps, forces d’occupation dans un second ».
La tâche du CPA n’était donc pas simple, d’autant que sa création fut mal perçue par les diplomates français. Ces derniers, craignant que cette nouvelle structure vienne empiéter sur leurs platebandes, n’ont pas toujours facilité le travail de ses membres. « C’est vrai qu’il y a eu une forme d’interrogation au départ car le CPA était un Ovni dans le paysage institutionnel, reconnaît Diane Binder, cadre supérieure chez Suez et membre du CPA, contactée par France 24. Il a donc fallu faire beaucoup de pédagogie pour que les institutions déjà en place nous voient comme complémentaire ».
« Capter les signaux non conventionnels que nos administrations n’ont jamais su capter »
Malgré ces difficultés et le manque de moyens, le CPA s’est mis au travail en se réunissant une fois par semaine dans les locaux de l’Agence française pour le développement (AFD). D’abord pour préparer le premier voyage du chef de l’État en Afrique, fin novembre, et son discours prononcé à Ouagadougou. Puis pour mettre en œuvre leurs propositions.
« Notre rôle est différent de celui des diplomates car les membres du CPA, qui sont régulièrement au contact des populations locales grâce à leur activité professionnelle, sont davantage en prise avec le pays réel, estime Jules-Armand Aniambossou, ancien ambassadeur du Bénin en France, désormais coordinateur du CPA, contacté par France 24. Nous pouvons donc capter les signaux non conventionnels que nos administrations n’ont jamais su capter et aider ces jeunes, ces entrepreneurs, ces femmes à mettre en forme leurs projets dans les domaines de l’éducation, de la santé, de l’agriculture, de l’industrie, du numérique, de la culture. »
« Notre but est de montrer qu’on peut parler de l’Afrique autrement, sur des sujets où l’on ne l’attend pas forcément, explique Karim Sy, un entrepreneur membre du CPA, contacté par France 24. Le président Macron veut instaurer un nouveau dialogue, impliquer davantage les peuples, avoir un échange direct avec la jeunesse. C’est ce que nous essayons de mettre en place. »
Concrètement, le CPA est à l’origine de plusieurs chantiers annoncés ou événements organisés lors de l’année écoulée : lancement de la Saison des cultures africaines 2020 en France, préparation du sommet Afrique-France 2020 sur la ville durable, ouverture de la plateforme sport et développement, co-organisation à Bordeaux de la première université d’été des diasporas africaines ou encore mise en place d’un pavillon dédié à l’Afrique au salon VivaTech, rendez-vous mondial des start-ups et de l’innovation. Autant d’initiatives qui permettent, selon Jules-Armand Aniambossou, de « créer des liens humains » et de « faire connaître ce que l’Afrique sait faire ».
« Le CPA ne permet pas de changer la politique française sur les sujets fondamentaux »
Le CPA a également apporté un regard nouveau sur l’aide au développement. « En marge de VivaTech, nous avons réuni une cinquantaine d’entrepreneurs africains pour réfléchir à la façon dont le milliard d’euros promis par Emmanuel Macron à destination des PME en Afrique pouvait être dépensé, explique Diane Binder, qui a participé à cette réunion. Prendre le temps d’écouter les besoins des personnes directement concernées par ces aides, c’est nouveau. Les propositions issues de cet atelier de réflexion ont ensuite été transmises à l’AFD et à la Banque publique d’investissement (BPI) ».
En se rendant sur le terrain et en discutant avec les acteurs locaux, le CPA s’est aussi rendu compte que de nombreux projets pouvant avoir un impact direct sur le quotidien des citoyens ne voyaient pas le jour, faute de financement. « Traditionnellement, l’aide française apportée par les institutions existantes se concentre davantage sur de gros projets, souligne Jules-Armand Aniambossou. Or, beaucoup de petits projets qui ne nécessitent pas des sommes très importantes pourraient se concrétiser si les ambassades françaises, sur place, les finançaient directement, sans forcément faire remonter la demande à Paris. » Cette proposition du CPA a été reprise dans le rapport du député Hervé Berville (LREM), remis le 27 août à Emmanuel Macron, et portant sur la modernisation de la politique d’aide au développement.
Pour autant, malgré ces avancées bien réelles, le CPA risque d’avoir du mal à changer l’image écornée de la France auprès de la jeunesse africaine. « Au vu de la défiance dont elle est l’objet, la France n’est pas en position de répondre aux attentes de la jeunesse africaine. Son illégitimité auprès de celle-ci lui interdit pareille ambition », écrivait il y a un an l’essayiste camerounais Yann Gwet dans une tribune publiée par Le Monde Afrique.
Contacté par France 24, ce dernier estime que le travail accompli par le CPA lors de sa première année d’existence confirme qu’il ne s’agit que d’une stratégie de communication. « L’image de la France a pu évoluer chez une partie de la jeunesse africaine, sensible au symbole qui consiste à mettre en lumière des profils modernes, que ce soit des entrepreneurs ou des créateurs. Mais cette jeunesse à qui s’adresse Emmanuel Macron représente l’élite et n’est pas représentative », affirme Yann Gwet.
Pour l’essayiste, montrer ce qui est positif en Afrique ou faire évoluer l’aide au développement est une bonne chose, mais cela reste selon lui des sujets annexes. « Le CPA n’a aucun pouvoir et ne permet pas de changer la politique française sur les sujets fondamentaux, regrette-t-il. Sur le franc CFA, sur la présence de l’armée française, sur l’attitude de Paris vis-à-vis des autocrates africains, il n’y a eu aucun changement. De ce point de vue, le travail du CPA permet au président français d’avoir une image positive auprès d’une certaine jeunesse tout en préservant les fondamentaux des relations franco-africaines sur le fond. C’est assez habile, mais c’est de la communication. »