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Monnaie commune dans la Cédéao : « le processus n’en est qu’à ses balbutiements »

 

Plusieurs chefs d’États de la Cédéao ont réaffirmé mercredi, lors d’un mini-sommet à Accra, leur volonté de mettre en place progressivement une monnaie unique dans la zone à partir de 2020. Entretien avec Jean-Joseph Boillot, économiste.

La Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) maintient le cap sur la monnaie unique. Réunis mercredi 21 février lors d’un mini-sommet à Accra, au Ghana, plusieurs chefs d’État de la zone, membres d’un groupe de travail dédié à ce chantier, ont réaffirmé leur volonté de mettre en place progressivement une monnaie commune dès 2020, ce qui signerait l’abandon du franc CFA.

Les critiques à l’égard de cette monnaie, héritage de la colonisation, se sont multipliées ces dernières années. Plusieurs dirigeants ou spécialistes, dont le président tchadien Idriss Déby Itno, voient dans cette devise, à parité fixe avec l’euro, un frein au développement.

Les dirigeants présents à Accra ont fixé une feuille de route pour atteindre leur objectif. Elle porte principalement sur « le recentrage et la réduction des critères de convergence de onze à six », ainsi que « la création d’un Institut monétaire de la Cedeao en 2018, pour fédérer et rationaliser les multiples institutions existantes », d’après les déclarations de Mahamadou Issoufou, président du Niger, relayées par Jeune Afrique.

Jean-Joseph Boillot, économiste au Centre de recherche et d’expertise sur l’économie mondiale (CEPII), spécialiste des grandes économies émergentes, analyse les enjeux de cette transiton.

France 24 : La perspective d’une mise en place progressive d’une monnaie commune dans la Cédéao à partir de 2020 vous paraît-elle réaliste ?

Jean-Joseph Boillot : La mise en place d’une monnaie commune est un processus extrêmement long et complexe. Regardons l’histoire de l’Union européenne. L’idée d’une monnaie commune a été sur la table dès la fin des années 1950, mais il a fallu 40 ans pour que les pays s’entendent. Et il ne faut surtout pas oublier que c’est essentiellement le phénomène historique de la chute du mur de Berlin qui a accéléré cette entente. Certains économistes estiment qu’elle a même été précipitée, ce qui expliquerait la crise que traverse actuellement l’Euro. Dans le cas de l’Afrique de l’Ouest, il est question d’une monnaie commune depuis les années 1960, et ce qui a été acté pour le moment, à Accra, c’est un accord politique. Le processus n’en est qu’à ses balbutiements.

En rien pour l’instant 2020 est une échéance, c’est une perspective de démarrage, d’autant plus qu’aucun travail sérieux n’a encore été entrepris sur les aspects techniques de la mise en place de cette monnaie. Et c’est bien au sujet de ces aspects techniques que les difficultés d’entente seront les plus grandes pour tous ces pays. Pour preuve, le Nigeria, qui est la grande économie de la zone, se dit déjà extrêmement sceptique sur l’ensemble du processus.

Les chefs d’État présents à Accra ont souhaité « le recentrage et la réduction des critères de convergence de onze à six ». De quoi s’agit-il ?

C’est justement le deuxième niveau, le volet technique. Une monnaie commune n’est possible que s’il y a des convergences économiques entre les pays. Vous ne pouvez pas avoir une monnaie commune avec des États à 10 % de déficit budgétaire et d’autres à 1 %. Les économies doivent converger sur leur niveau d’endettement, le solde de la balance courante et le rythme d’émission du crédit. Pour le moment, elles ne convergent pas. Outre ces problèmes de convergence, quel est le système monétaire auquel cette monnaie va se référer ? Pour l’instant cette question n’est pas du tout tranchée.

Qu’attendent les pays de cette monnaie unique ?

Le franc CFA a une qualité reconnue, la stabilité. Mais elle a un défaut majeur, elle ne permet pas aux économies émergentes de faire face aux besoins de financement de l’économie. Les économies de la zone ont une contrainte de financement mais aussi une contrainte de déficit budgétaire. Alors qu’elles ont besoin d’investissements publics importants, elles ne peuvent pas avoir de déficit budgétaire. C’est la contrepartie de la qualité du franc CFA, stabilité d’un côté, mais pas pro-croissance de l’autre.

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