Les enjeux de la nouvelle tournée africaine du chef de la diplomatie chinoise
Le ministre chinois des Affaires étrangères Wang Yi effectuera du 12 au 16 janvier, une nouvelle tournée africaine qui le conduira au Rwanda, en Angola, au Gabon et à Sao Tomé-et-Principe. La visite qui s’inscrit dans le cadre d’une pratique devenue désormais traditionnelle pour les chef de la diplomatie chinoise vise également à préparer le prochain Forum de la coopération Chine-Afrique prévu dans quelques mois.
Le ministre chinois des Affaires étrangères Wang Yi est de retour en Afrique. Du 12 au 16 janvier, le chef de la diplomatie chinoise effectuera des visites officielles au Rwanda, en Angola, au Gabon et à Sao Tomé-et-Principe selon l’agence officielle Xinhua. La tournée du chef de la diplomatie chinoise en Afrique se veut avant tout symbolique comme l’a déclaré Lu Kang, le porte-parole du ministère des Affaires étrangères à Beijing. « Durant ces deux dernières décennies, les ministres chinois des Affaires étrangères ont toujours choisi l’Afrique en tant que premier déplacement pour la nouvelle année. La poursuite de cette tradition par M. Wang montre que la Chine attache toujours une grande attention aux relations sino-africaines » a ainsi expliqué Lu Kang lors d’un point de presse. Selon la même source, cette visite permettra également de «promouvoir la confiance politique mutuelle, de renforcer la coopération mutuellement bénéfique et de préparer le sommet du Forum de la coopération Chine-Afrique, qui sera organisé cette année par la Chine ».
L’Afrique sur la nouvelle route de la Soie
Au-delà de son caractère symbolique, la tournée du chef de la diplomatie chinoise permettra davantage à l’empire du milieu de réaffirmer son engagement à promouvoir ses relations économiques et ses échanges économiques avec le continent. Premier partenaire commercial de l’Afrique, la Chine a vu ses investissements en Afrique franchir depuis fin 2016 le cap des 100 milliards de dollars américains, ce qui représente une croissance de plus de 100% en une dizaine d’années. Plus de 3000 entreprises chinoises sont actuellement actives sur le continent principalement dans le domaine des infrastructures mais aussi dans le commerce, les industries et les services. Cette présence de plus en plus grandissante soulève bien évidemment des inquiétudes auprès des vieux partenaires occidentaux de l’Afrique, ce qui n’altère guerre les ambitions de Pékin pour le potentiel de croissance et les opportunités de la coopération sino-chinoise.
La nouvelle donne, c’est la grande initiative de « la nouvelle route de la soie » du président Xi Xinping, « OBOR » (one belt, old road ), qui va se traduire par une plus grande intégration de l’Afrique dans la stratégie commerciale et économique mondiale de la Chine. Le ministre Wang Li a d’ailleurs laissé entendre que l’année 2018 se traduira par la mise en œuvre des projets prévus dans le cadre de la réalisation de cette nouvelle initiative à laquelle plusieurs pays comme le Maroc entendent déjà s’intégrer en plus de ceux comme l’Egypte, l’Ethiopie, Djibouti ou le Kenya qui figurent sur les lignes commerciales identifiées dans le déploiement des « nouvelles routes de la soie ».
« Dans l’histoire, l’Afrique faisait partie de l’ancienne Route de la Soie. Et aujourd’hui, l’Afrique est un choix naturel et un point pour le prolongement de la Ceinture et la Route » a ainsi expliqué Wang Yulong, président du Conseil d’administration du Fonds de coopération sino-africaine (FSCA) lors d’un colloque qui s’est tenu récemment à Pékin sur la place de l’Afrique dans cette ambitieuse initiative. « Depuis le lancement de l’initiative de « la Ceinture et la Route » il y a quatre ans, des acquis plus importants que prévus ont été obtenus, et ce en termes de rapidité et d’envergure. La Chine souhaite voir les pays africains participer activement à la coopération internationale dans le cadre de « la Ceinture et la Route » et en tirer des bénéfices réels. Les pays africains, quant à eux, soutiennent avec ardeur cette initiative dans l’attente de pouvoir en bénéficier » a déclaré à la même occasion Zhou Yuxiao, ambassadeur du ministère chinois des Affaires étrangères pour les affaires du FCSA.
La chine entend donc renforcer ses investissements en Afrique car malgré la dynamique qu’ils ont connus depuis 2000, les flux à destination des pays africains restent encore faibles. En 2016 et d’après les chiffres officiels du ministère chinois des affaires étrangères, les investissements chinois à l’étranger étaient de l’ordre de 196,15 milliards de dollar dont plus de 50% ont été faits en Europe et en Amérique alors que ceux réalisés en Afrique ne représentaient que 1,92%, soit 3,26 milliards. Dans les premiers 6 mois de 2017, 1,59 milliards de dollars ont été investis par la Chine en Afrique, ce qui représente 3,3% du volume total des investissements chinois à l’étranger. « A l’heure actuelle, l’envergue des investissements chinois en Afrique reste encore faible, et il y existe beaucoup d’opportunités et de grandes potentialités » a estimé Wang Yulong, pour qui il y a des opportunités de développement de la coopération sino-africaine en matière de production industrielle. « La Chine est en train de perdre ses atouts en matière de main-d’œuvre, et d’ici 2050, l’Afrique procurera 50% de main-d’œuvre nouvellement entrée dans le marché du monde entier, d’où une grande convergence avec la coopération en matière de capacité de production entre Chine et l’Afrique » reconnait le diplomate. En ce sens la Chine possède les techniques et l’expertise de gestion, et surtout les fonds, dont a besoin l’Afrique dans le processus d’industrialisation. « L’enjeu important reste pour nous de promouvoir le développement du processus de la coopération »a confié Wang Yulong, ajoutant que le Fonds de coopération sino-africaine va se focaliser sur les nouveaux secteurs comme la construction des infrastructures, la coopération technique, les télécommunications et la coopération financière, y compris les services financiers en ligne et le paiement en mobile.
Le prochain sommet sino-africain va permettre de faire le point sur l’état de la coopération entre les deux parties et surtout le bilan de l’engagement des 60 milliards de dollars promis par la Chine lors de la dernière édition du Forum qui s’est tenu en 2015 en Afrique du Sud. Il permettra également d’envisager de nouvelles perspectives de partenariat dans le cadre de la transformation que subit actuellement la coopération économique et commerciale sino-africaine avec comme principal levier, une montée en gamme.
« Aujourd’hui, la coopération économique et commerciale sino-africaine est en transformation de modèle de développement, accompagnée de la montée en gamme. Elle se transforme d’une coopération guidée principalement par le gouvernement en une coopération appuyée par les investissements des entreprises, du commerce de marchandises en une coopération sur la capacité de production et en commerce de sous-traitance, de la prise en charge de contrats forfaitaires en construction des infrastructures et des parcs industriels et en services financiers ». Zhou Yuxiao.
En début d’année, le ministre Wang Yi a annoncé que la Chine consolidera ses relations avec tous ses partenaires notamment l’Afrique. « Nous allons assumer nos responsabilités internationales et de faire de nouvelles contributions au développement et au progrès de l’humanité » a -t-il déclaré dans un entretien accordée au , « Quotidien du peuple« , le journal du Parti communiste chinois (PCC) sur les priorités de la diplomatie chinoise.
Dans ce cadre, la Chine s’engagerait davantage dans la gouvernance mondiale en plus de jouer un rôle dans la coopération internationale afin de faire face au changement climatique et de lutter contre le terrorisme. Avec cette nouvelle stratégie de positionnement qui voile à peine de nouveaux intérêts géopolitiques, l’Afrique est au cœur des priorités chinoises et le ministre Wang Yi ne manquera pas de le réaffirmer durant sa visite au cours de laquelle la signature de plusieurs accords et contrats est attendue.
Alioune Sarr NDIAYE, afripresse