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Visite de Macron en Chine : « Pékin ne perçoit pas la France comme un partenaire important »

En effectuant une visite d’État en Chine du 8 au 10 janvier, Emmanuel Macron veut donner un nouvel élan aux relations franco-chinoises et obtenir la signature de nombreux contrats commerciaux. Mais Xi Jinping se laissera-t-il séduire ?

Les objectifs sont élevés et les annonces seront nombreuses, mais il n’est pas certain que le voyage d’Emmanuel Macron en Chine, du 8 au 10 janvier, réponde totalement aux attentes de l’Élysée. Fidèle à lui-même, le président français aimerait profiter du contexte mondial. Les États-Unis étant en retrait sur la scène internationale, l’entourage du chef de l’État estime que le moment est « opportun » pour nouer avec la Chine « un partenariat stratégique global sur les grands défis actuels, dont la crise avec la Corée du Nord, la lutte contre le financement du terrorisme et le réchauffement climatique ».

Le président français aimerait notamment pouvoir s’ériger aux côtés de Xi Jinping en co-leaders dans la lutte mondiale contre le réchauffement climatique. Il souhaiterait également, dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, obtenir un soutien de Pékin à la force militaire du G5 Sahel.

Mais, au-delà de ces questions diplomatiques et stratégiques, les relations commerciales bilatérales devraient dominer cette visite d’État. Emmanuel Macron, que plus de cinquante chefs d’entreprise, dont ceux d’AccorHotels, LVMH, Airbus, Areva, Safran, BNP Paribas ou Safran accompagnent, espère ainsi annoncer à Pékin une cinquantaine d’accords et de contrats. Paris pourrait conclure des ventes d’Airbus et de moteurs Safran, d’une usine de retraitement des déchets radioactifs ou encore de maisons de retraite. La France souhaite en outre un accès plus ouvert pour ses exportations agricoles ou ses réseaux bancaires.

 Le chef de l’État a choisi de commencer sa visite, lundi, à Xi’An, berceau de la civilisation chinoise, où il ira visiter la célèbre armée enterrée de l’empereur Qinshi Huangdi. Mardi et mercredi, à Pékin, il se rendra à la Cité interdite, ainsi qu’à l’Académie des sciences spatiales, et tiendra une conférence de presse avec le président chinois.

Ce dernier se laissera-t-il séduire par Emmanuel Macron, dont le livre « Révolution » doit par ailleurs paraître lundi en Chine ? Pas au point de faire de Paris un allié stratégique, selon Jean-Louis Rocca, chercheur au Centre de recherches internationales (CERI) , spécialiste de la Chine, interrogé par France 24.

France 24 : La visite d’État d’Emmanuel Macron est-elle particulièrement attendue en Chine ?

Jean-Louis Rocca : Pas vraiment car pour la Chine, les pays qui comptent sont les États-Unis, la Russie, le Japon et, dans le contexte actuel, la Corée du Nord. La France est vue comme un partenaire historique, mais représente davantage aujourd’hui l’art de vivre avec les parfums, la mode, le romantisme… En revanche, elle n’est pas perçue comme un partenaire particulièrement important politiquement. Même en Europe, l’Allemagne est davantage prise au sérieux.

La diplomatie chinoise consiste à prendre plus de place dans le monde et, donc, développer sa relation et ses partenariats avec la France en fait partie. Mais ce n’est pas un cas isolé. Il faut mettre cela en perspective avec les pays d’Amérique latine, l’Afrique et ce que la Chine entreprend depuis 2013 avec sa nouvelle « Route de la soie ».

C’est un voyage qui arrive assez vite dans le quinquennat. L’approche d’Emmanuel Macron est-elle différente de celle de ses prédécesseurs ?

Légèrement, oui, car il semble plus intéressé par le développement des relations avec la Chine que ne l’étaient François Hollande et Nicolas Sarkozy. Ça ressemble davantage à ce qu’a pu faire Jacques Chirac, qui est à l’origine de la signature du partenariat stratégique global comprenant des coopérations dans des domaines comme l’économie, la culture ou la diplomatie. Mais cela reste tout de même très classique dans la mesure où l’économie et le développement des affaires vont jouer un rôle majeur durant cette visite. S’arrimer à la Chine est aujourd’hui fondamental. C’est le seul pays où il existe encore une croissance très forte capable de tirer vers le haut la croissance mondiale. C’est un partenaire indispensable.

Et puis, il y a une situation paradoxale : la Chine est enviée, fascine tout le monde et en même temps elle fait peur. Le fait que Pékin ait la volonté de maintenir la société chinoise autour d’un projet nationaliste ou que les libertés individuelles soient limitées fait que la Chine a mauvaise presse. Or, si Emmanuel Macron souhaite aller plus loin que ses prédécesseurs, il y aura des conséquences politiques en France et dans le monde. Pour mettre en place un partenariat réellement abouti, il y a encore un verrou compliqué à changer.

Emmanuel Macron aimerait toutefois parvenir à avancer sur le dossier nord-coréen et à convaincre Xi Jinping de faire de la France et de la Chine les co-leaders mondiaux de la lutte contre le réchauffement climatique…

Je ne vois pas bien ce qu’Emmanuel Macron peut apporter sur la question nord-coréenne. Le problème est déjà très bien connu des Chinois qui n’ont pas besoin d’aide pour savoir où ils en sont. La situation est simple : la Chine ne veut pas d’une réunification entre la Corée du Nord et la Corée du Sud mais ne souhaite pas que les relations se détériorent. Or, aujourd’hui, elle n’arrive pas à se faire obéir. Pyongyang profite de son aide mais ne donne rien en retour. Le dossier est bloqué.

Concernant la lutte contre le réchauffement climatique, la Chine est déjà le leader mondial. Depuis le retrait des États-Unis de l’Accord de Paris, elle a de fait pris le leadership puisque, malgré son statut de plus gros pollueur, c’est le pays qui prend le plus d’initiatives en la matière. La Chine est beaucoup plus en avance que la France dans la transition énergétique et est notamment devenue le premier investisseur mondial dans les énergies propres. La France, de son côté, ne fait pas encore vraiment dans le concret. Donc, on peut comprendre l’intérêt que peut avoir Emmanuel Macron à s’accrocher à la Chine dans ce domaine. Cela participe de la diplomatie du paraître plus que de la diplomatie du réel.

Il y a enfin l’inévitable question des droits de l’Homme. Emmanuel Macron va-t-il mettre ce sujet sur la place publique ?

Il ne semble pas en prendre le chemin, notamment en raison de l’attitude de Pékin. Il y a une dizaine d’années, le gouvernement chinois n’assumait pas ses choix. Il donnait l’impression d’être gêné sur cette question. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. Le niveau de vie des habitants, notamment des paysans, le niveau d’éducation, les villes qui prospèrent : l’économie chinoise s’est développée de façon extraordinaire. Il y a donc désormais un sentiment de fierté et une assurance par rapport à un système politique qui a obtenu des résultats pour permettre à des dizaines de millions de citoyens de sortir de la misère. Résultat : alors que les dirigeants chinois étaient prêts à accepter qu’on leur fasse gentiment la leçon sur les droits de l’Homme il y a quelques années, aujourd’hui il n’en est plus du tout question.

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