Dans un communiqué, le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) a exprimé son inquiétude, en rappelant notamment qu’Israël avait « des obligations légales s’agissant de la protection des réfugiés ». La législation israélienne sur l’immigration stipule ainsi que toute demande d’asile politique doit être soumise aux autorités dans l’année suivant la date d’entrée dans le pays. Mais selon notre Observatrice, la plupart des migrants éligibles à l’asile ne reçoivent jamais de réponse. Israël a par le passé reconnu que moins de 1 % des demandes d’asile étaient acceptées. C’est le taux le plus bas dans le monde occidental.
À Tel-Aviv, les autorités en charge des demandes d’asiles, l’unité RSD (Refugee Status Determination), sont dépassées par la situation et assurent ne plus pouvoir prendre en charge les nouvelles demandes. Devant le bâtiment de l’unité RSD sur Shalma Road, des migrants font la queue non-stop dans l’espoir de déposer leur formulaire et éviter l’expulsion.
« Les gens font la queue pendant des jours sans toilettes, sans nourriture »
Helen Kidane
Notre Observatrice Helen Kidane est érythréenne et vit en Israël depuis 2011. Elle est directrice du centre communautaire des femmes érythréennes à Tel-Aviv.
Quand vous allez au bureau de l’immigration, on vous dit de revenir le lendemain. Parfois, ils n’acceptent personne, ou seulement cinq personnes dans une file d’attente de 250. Les migrants viennent de partout pour essayer de soumettre leurs formulaires et font la queue pendant des jours. Il n’y a pas de toilettes, il n’y a pas de nourriture et vous ne pouvez pas vous déplacer de peur de perdre votre place dans la file d’attente. Les gens ont peur de poser des questions. C’est une expérience horrible. Les gardes crient sur tout le monde.
La file d’attente à l’extérieur du bureau de l’immigration. La photo a été prise par notre Observatrice à 21h25 le 11 novembre, un samedi soir. Le bureau est fermé le samedi et rouvre le dimanche matin. Ces gens prévoyaient d’attendre toute la nuit dans le froid.
J’ai essayé de soumettre mon formulaire plusieurs fois. Même si cela semble inutile. Je sais qu’ils vont rejeter ma demande parce que je viens d’Érythrée. Ce processus n’a pas de sens.
« C’est du racisme anti-Africains »
Depuis 2015, ils acceptent beaucoup de gens originaires de Russie ou d’Ukraine : ces personnes ne parlent pas l’hébreu et ne sont ni arabes ni juives. Je considère que c’est du racisme contre les Africains. [Plusieurs témoins assurent en effet avoir vu des Ukrainiens autorisés à entrer en priorité dans le bureau. Cependant, la rédaction des Observateurs de France 24 n’a pas été en mesure de vérifier cette affirmation, NDLR.]
Mon mari est également érythréen et travaille ici. Il a demandé en 2015 le statut de réfugié et n’a toujours pas eu de réponse. Il pense qu’il n’en aura jamais. Il a un permis de travail parce qu’il est arrivé en 2007, quand les autorités donnaient encore des visas.
Nous avons peur d’être expulsés. Où irions-nous ? Pour nous, le Rwanda n’est pas un endroit sûr. Et ce n’est pas notre pays. Nous ne connaissons personne là-bas. Les migrants qui acceptent d’aller au Rwanda ou en Ouganda, sont ceux qui ont de l’argent pour aller ensuite en Europe. Moi, s’ils me donnent 3 500 dollars, qu’est-ce que je vais faire ? Je peux seulement vivre un ou deux mois au Rwanda. Je vis en Israël depuis six ans, je parle hébreu, j’ai des enfants et je veux qu’ils vivent et qu’ils soient éduqués ici.
Les migrants, des « infiltrés illégaux »
Plus de 90 % des demandeurs d’asile en Israël viennent d’Érythrée ou du Soudan. Mais le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou, considère que ces migrants sont des ‘ »infiltrés illégaux ». Le gouvernement israélien estime qu’environ 60 000 personnes ont franchi la frontière israélo-égyptienne entre 2006 et 2013, avant qu’un mur ne soit érigé en 2013. À l’issue d’un conseil des ministres le 3 janvier 2018, Benjamin Netanyahou a assuré avoir déjà expulsé « environ 20 000 » personnes et ajouté que sa « mission » était désormais de « mettre le reste dehors ».
L’organisation « Hotline for Refugees and Migrants » (HRM), qui défend les droits des migrants et des réfugiés en Israël, affirme que le processus de demande d’asile est simplifié pour les Ukrainiens et les Géorgiens. Au cours de la première moitié de l’année 2017, les autorités israéliennes ont enregistré 5 718 demandes d’asile de la part d’Ukrainiens, contre seulement 703 sur l’ensemble de l’année 2015.
Israël n’a cessé de compliquer le parcours des migrants. Un rapport de HRM explique ainsi comment chaque candidat n’ayant pas pu déposer sa demande se voit remettre un bout de papier sur lequel est inscrite une date, à laquelle il est censé revenir au bureau de l’immigration. Or, ce papier, ni officiel ni signé, n’accorde aucun droit au demandeur : si le visa de la personne expire avant la date indiquée dessus, elle est susceptible d’être arrêtée et placée en détention.
Selon le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, il y a environ 27 500 demandeurs d’asile érythréens et 7 800 soudanais en Israël. Depuis 2009, seules huit demandes d’asile présentées par des personnes originaires de ces pays ont été acceptées.