Au Soudan, pourparlers et cours suspendus après la mort de lycéens lors d’une manifestation
Au lendemain de la mort de six manifestants au Soudan, Khartoum a annoncé, mardi, la suspension des négociations entre le pouvoir militaire et les chefs de la contestation ainsi que la fermeture des écoles « jusqu’à nouvel ordre ».
Les autorités du Soudan ont annoncé, mardi 30 juillet, la fermeture de l’ensemble des établissements scolaires à partir de mercredi et ce « jusqu’à nouvel ordre ». Cette annonce fait suite à la mort de six manifestants parmi lesquels cinq lycéens, tués lundi lors d’une manifestation dans le centre du pays.
La mort de ces jeunes manifestants à Al-Obeid, dans le Kordofan-Nord, a également entraîné la suspension de négociations prévues mardi entre le mouvement civil et les militaires au pouvoir, les négociateurs de la contestation ayant décidé de se rendre dans cette ville.
« Il n’y aura pas de négociations aujourd’hui car nous sommes toujours à Al-Obeid », a déclaré mardi à l’AFP un des négociateurs, Taha Osman, joint par téléphone. Satea al-Haj, un autre chef de la contestation également à Al-Obeid, a confirmé. « Nous ne pouvons pas nous asseoir à la table des négociations avec ceux qui permettent de tuer des révolutionnaires », a aussi déclaré Siddig Youssef, l’un des meneurs de la contestation.
« Tuer un étudiant, c’est tuer la nation »
Les négociations devaient permettre de finaliser certains points en suspens après la conclusion d’un accord de partage du pouvoir le 17 juillet. Obtenu après de difficiles négociations, il prévoit un Conseil souverain composé de cinq militaires et six civils chargé de mener la transition pendant un peu plus de trois ans.
Dans la soirée, une association de médecins proche du mouvement de contestation a indiqué qu’un sixième manifestant avait succombé à ses blessures, après avoir reçu « une balle dans la tête », sans préciser s’il s’agissait d’un lycéen. La manifestation à Al-Obeid dénonçait des pénuries de pain et de carburant.
Des centaines de lycéens et étudiants se sont rassemblés mardi à Khartoum pour dénoncer la mort de leurs camarades, âgés de 15 à 17 ans d’après le Fonds des Nations unies pour l’enfance (Unicef). « Tuer un étudiant, c’est tuer la nation », ont scandé les jeunes manifestants, dont certains portaient leur uniforme scolaire.
Les protestataires accusent les redoutés paramilitaires des Forces de soutien rapide (RSF), dirigées par le numéro deux du Conseil militaire à la tête du pays, Mohammed Hamdan Daglo, d’avoir ouvert le feu contre la foule. L’Unicef a appelé les autorités à « enquêter et traduire en justice tous les auteurs de violences contre des enfants ».
« Un crime inacceptable »
« Tuer des civils pacifiques est un crime inacceptable qui ne doit pas rester impuni », a déclaré le chef du Conseil militaire de transition, le général Abdel Fattah al-Burhane.
De son côté, l’Association des professionnels soudanais (SPA), fer de lance de la contestation, a appelé à de nouvelles manifestations dans tout le pays pour dénoncer le « massacre » de lundi. « Les forces Janjawid et des tireurs d’élite ont tiré sans merci à balles réelles sur des écoliers », a accusé la SPA, en référence aux RSF, dont des hommes ont été recrutés parmi les Janjawid, milices accusées d’atrocités au Darfour (ouest).
Depuis lundi, les autorités ont imposé un couvre-feu nocturne à Al-Obeid et dans trois autres localités du Kordofan-Nord. Depuis décembre, la répression de la contestation a fait plus de 250 morts, dont 127 manifestants tués le 3 juin dans la dispersion brutale d’un sit-in organisé à Khartoum pour réclamer un pouvoir civil, selon un bilan d’un comité de médecins proche de la contestation.
Une enquête officielle a conclu samedi à l’implication de huit paramilitaires – dont trois au moins sont membres des RSF – dans le massacre du 3 juin. Mais selon cette enquête, seules 17 personnes ont été tuées le 3 juin. Depuis, des manifestants défilent à Khartoum contre les conclusions de cette enquête exonérant de toute responsabilité le Conseil militaire, qui a toujours affirmé ne pas avoir ordonné la dispersion du sit-in.
Avec AFP