Sénégal: un pays face à la suppression du poste de Premier ministre
Par RFI Publié le 03-05-2019 Modifié le 03-05-2019 à 10:10
Ce ne sera « a priori » qu’une formalité. Au
Sénégal, le projet de loi visant à supprimer le poste de Premier ministre sera
examiné par les députés ce samedi 4 mai. La Constitution sera ensuite
modifiée : il s’agit d’une réforme en profondeur de l’État. Quelle est la
réaction des Sénégalais face à cette réforme menée tambour battant par le
président Macky Sall ?
À Ziguinchor, dans le chef-lieu de la Casamance, quartier de
Boucotte, c’est l’heure de la pause pour Baïla Bâ. Devant sa boutique, la
couturière casse des noix de cajou. « Je casse. C’est bon à manger. Nous
en Casamance, on est fier d’être comme ça », dit-elle.
La jeune femme regrette de ne pas avoir été consultée pour
cette réforme, qui vise à supprimer le poste de Premier ministre. « Quand tu vois
que ton pays avance, il faut la discussion. Même le père de famille qui avant
de faire quelque chose devrait consulter la maman et les enfants d’abord, avant
de prendre une décision. Mais lui, c’est tout à fait le contraire : il
prend sa décision et après, il sort ça. » Mais comment consulterait-on les
gens là-dessus ? « Appeler au dialogue, c’était ça non. S’il appelle les
gens, les gens vont lui répondre Inch’Allah, ça, je le sais »,
poursuit-elle.
« On espère juste que cette décision sera la
bonne »
Au garage d’en face, El Hadj Diop est venu faire réparer sa
moto. Pour lui, le président n’est pas obligé de demander l’avis des citoyens.
« Il devait quand même sensibiliser la population, leur expliquer le
pourquoi de ce choix a été fait. Vu que le projet sera voté à l’Assemblée
nationale. Nous savons tous qu’à l’Assemblée nationale, c’est le président qui
est majoritaire là-bas. Donc, ça va passer. On espère juste que cette décision
sera une bonne décision pour notre pays », estime-t-il.
Afin d’être adoptée, la réforme de la Constitution devra obtenir le vote de 3
députés sur 5.
■ Alioune
Tine : « Il fallait un dialogue »
Alioune Tine, le fondateur du think tank Fondation Afrikajom
Center regrette l’absence de débat et de concertation sur un sujet aussi
important : « Le président de la République n’a jamais parlé d’une
révision constitutionnelle concernant la suppression du poste de Premier
ministre. Juste au moment où on forme le gouvernement, on nous annonce comme ça
que le poste a été supprimé. Je trouve que cette méthode est cavalière parce
qu’il aurait pu en parler pendant la campagne électorale. »
« C’est un changement de régime, continue Alioune Tine,
carrément, parce que le rôle du Parlement est différent, les relations entre
l’exécutif et le législatif sont totalement différentes. Il fallait le faire
aussi dans le cadre d’un dialogue, d’une discussion avec l’opposition, qu’on
s’explique, ou au moins dans le cadre d’un débat qu’on organise. Et à la suite
de ce débat, peut-être prendre la substantifique moelle pour dire : « Mais
voilà, après ce débat voilà la position que je prends. » Très sincèrement,
on est totalement surpris, et puis les gens commencent à être un peu sceptiques
sur les suites du dialogue politique. On a été un peu douché par la manière.
Nous regrettons cette décision, la manière dont cela a été pris, parce que les
procédures, ça compte. »
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