Qui est Achille Mbembe, l’architecte du sommet Afrique-France de Montpellier ?
Théoricien du post-colonialisme, Achille Mbembe, l’un des intellectuels les plus en vue d’Afrique francophone, a accepté la tâche controversée de préparer le sommet Afrique-France, qui se tiendra vendredi et auquel pour la première fois aucun chef d’État africain n’a été convié.
Rarement un homme aura autant marqué de son empreinte ce type d’événement. Non seulement Achille Mbembe a remis un rapport mardi à Emmanuel Macron « pour la refondation des relations entre la France et le continent », mais il a aussi sélectionné les 12 jeunes qui débattront, vendredi 8 octobre, avec le chef de l’État.
Pendant sept mois, l’intellectuel camerounais a pris son bâton de pèlerin à travers 12 pays et lancé plus de 60 « dialogues » entre mars et juillet derniers avec des acteurs de la société civile pour préparer le sommet Afrique-France de Montpellier.
« J’ai trouvé que c’était un projet nécessaire, raisonnable, que la mission était une mission de bon sens, que l’Afrique devrait pouvoir y trouver son intérêt, ce qui me semble être le cas », explique Achille Mbembe dans dans une interview accordée RFI.
Contempteur de la « Françafrique », réputé pour ses prises de position énergiques, l’auteur mondialement connu de « Brutalisme » et de « Critique de la raison nègre » a passé les trente ans d’une brillante carrière universitaire à cheval entre l’Afrique du Sud et les États-Unis.
« D’une manière très intelligente et sans doute stratégique, Emmanuel Macron lui a demandé d’aller sonder les Africains sur les orientations à suivre pour forger de nouvelles relations entre la France et l’Afrique », analyse le journaliste Assane Diop, sur l’antenne de France 24.
Personnalité transgressive au charisme magnétique, l’historien franco-camerounais est présenté comme l’un des pères des études postcoloniales. Admirateur d’Édouard Glissant et de Frantz Fanon, Achille Mbembe s’est également attaqué au cours de sa carrière à la critique du néolibéralisme et aux mécanismes de domination dans le monde contemporain.
« Le choix d’Achille Mbembe pour ce sommet est tout à fait juste. C’est l’un, si ce n’est le plus grand penseur contemporain de l’Afrique », affirme le Canadien d’origine guinéenne Amadou Sadjo Barry, docteur en philosophie et chercheur en relations internationales, joint par France 24. « Il connaît l’Afrique et, en même temps, essaie de penser le devenir mondial du continent. »
Le fantôme de Ruben Um Nyobè
Né en 1957, à une soixantaine de kilomètres de Yaoundé, Achille Mbembe passe son enfance à la ferme de son père, au sein d’une famille nationaliste et chrétienne.
Il vit dans sa chair l’extrême violence de la colonisation lors de la guerre d’indépendance du Cameroun (1955-1962), quand l’un de ses oncles est tué aux côtés du leader nationaliste Ruben Um Nyobè, dont la dépouille est traînée, de village en village, par les forces armées françaises pour terroriser la population.