Le monde du football pleure sa légende : Diego Maradona, itinéraire d’un gamin en or
L’icône du football argentin est décédée à l’âge de 60 ans, victime d’un accident cardiovasculaire. Le monde du football pleure sa légende.
Iconique, phénoménal, céleste. La légende du football argentin Diego Armando Maradona est morte ce mercredi à l’âge de 60 ans. « El pibe de oro » a subi un arrêt cardiorespiratoire dans sa maison de Tigre (province de Buenos Aires) où il vivait depuis son opération au cerveau. Joueur mythique des années 1980 et 1990, artisan du sacre argentin à la Coupe du monde 1986 au Mexique avec l’Argentine, légende du Napoli et personnalité controversée, il laisse derrière lui une empreinte indélébile pour le football. Le monde du ballon rond pleure donc l’une de ses immenses légendes, l’un des meilleurs joueurs de l’histoire, si ce n’est le meilleur.
Des bidonvilles argentins à l’Albiceleste
Issu d’une famille modeste de paysans argentins, Diego Armando Maradona a passé ses jeunes années dans le bidonville surpeuplé de Villa Fiorito, dans la banlieue sud de Buenos Aires. Un environnement difficile qui le forge et dans lequel il découvre l’adversité d’une vie qui s’annonce alors miséreuse. Mais le destin en décida autrement et mit sur la route du jeune Diego un ballon de foot qu’il apprivoisera comme aucun autre gamin de son âge. Dribbleur hors pair, buteur génial et stratège redoutable, Diego Maradona est repéré à seulement 10 ans par l’Argentinos Juniors et intègre l’équipe des jeunes. Déjà bien au-dessus du lot, il attire de nombreux curieux et déchaîne déjà les passions. Quelques années plus tard, alors encore âgé de 15 ans, il fait ses débuts professionnels et devient le leader technique de l’équipe A. Son style fascine, son talent est reconnu à travers tout le pays et ses gestes offrent au football argentin un souffle nouveau. Si bien que le sélectionneur argentin d’alors Cesar Luis Menotti l’appelle en sélection pour disputer son premier match international contre la Hongriee. Diego Maradona n’a alors que 16 ans. L’histoire est en marche.
Dès 1981, la célèbre équipe de Boca Juniors casse sa tirelire pour s’offrir les services du prodige. S’il n’y joue que deux saisons, avant de rejoindre le FC Barcelone, Maradona marquera l’histoire du club en remportant notamment le championnat et en humiliant à lui seul le rival de toujours des Bleus et Or, River Plate. Débarqué en Catalogne, Diego Maradona se heurte au scepticisme d’une partie du public qui doute de ses capacités – après la Coupe du monde manquée de 1982 – et n’apprécie guère son comportement extrasportif, caractérisé notamment par des sorties nocturnes en boîtes de nuit. C’est d’ailleurs à Barcelone qu’il concèdera avoir commencé à prendre de la cocaïne, son pire ennemi. Si son passage en Liga est loin d’être un fiasco sur le plan sportif – 38 buts en 58 matchs et un titre de meilleur joueur de Liga –, il est de loin le moins glorieux de sa carrière. En 1984, Diego quitte l’Espagne et s’envole pour l’Italie, où sa carrière explose.
La « main de Dieu » et le but du siècle
À Naples – club modeste de Série A –, le son de cloche est tout autre qu’en Catalogne. Transféré pour l’équivalent de sept millions d’euros, un record à l’époque, Diego Maradona est accueilli en superstar par 70 000 supporteurs au stade San Paolo. Certes, ses deux premières saisons sont « décevantes », mais l’après-Mondial 1986 marquera l’âge d’or du joueur au Napoli. Au Mexique justement, qui accueille la treizième édition de la Coupe du monde de football, « El pibe de oro » est tout à fait rayonnant. Déterminé à venger la déroute de 1982, il permet à l’Argentine de décrocher son deuxième sacre mondial. Cette édition est principalement marquée par un quart de finale légendaire contre l’Angleterre.
Après avoir disposé de l’Uruguay (1-0) en huitième, l’Albiceleste affronte les Three Lions en quart (2-1). Dans un contexte particulièrement tendu – quatre ans après la guerre des Malouines –, le génie argentin va signer la plus belle prestation de sa carrière. À la 51e minute de jeu, Maradona va inscrire le but le plus controversé de l’histoire du football. Sur un ballon anodin, qui part en chandelle en direction du but anglais, il tente un geste aussi instinctif que controversé en voulant pousser le ballon de la main juste devant le gardien adverse, du haut de son mètre soixante-cinq. L’arbitre n’y voit que du feu, alors que le ballon termine sa course au fond des filets. Malgré les protestations des joueurs britanniques, le but est accordé. Dans la foulée, « El pibe de oro » va porter le coup de grâce en marquant l’un des plus grands buts de l’histoire du ballon rond. Profitant des errements de l’équipe anglaise, Diego Maradona va remonter tout le terrain balle au pied, dribblant la défense adverse, avant de tromper le malheureux portier anglais Peter Shilton. Le commentaire en direct de l’Argentin Victor Hugo Morales restera dans toutes les mémoires. Maradona est alors érigé en héros national et reste encore en Argentine comme un demi-dieu après ce but, sacré en 2002 plus beau but de l’histoire de la Coupe du monde. Par la suite, l’Albiceleste disposera facilement de la Belgique (2-0) en demi-finale avant de se défaire d’une Mannschaft accrocheuse (3-2) en finale. Diego Maradona offre ainsi à l’Argentine le but de la victoire. La légende est née. « J’ai deux rêves », disait le jeune Diego Maradona, interrogé par les médias argentins alors qu’il n’avait que douze ans, « disputer la Coupe du monde et la gagner ». Voilà chose faite quatorze ans plus tard.
La légende napolitaine
Au cours des années qui suivent la Coupe du monde 1986, Diego Maradona vit son âge d’or à Naples. Mythifié par un peuple qui se reconnaît en lui, l’Argentin mène le club italien au meilleur niveau jusqu’à l’installer à la table des plus grands clubs d’Europe. Ainsi en 1986-1987, le club campanien réalise une saison historique ponctuée d’un titre de champion d’Italie (le premier du Napoli) et d’une Coupe d’Italie. Dès lors, Maradona devient une icône transalpine. En 1988-1989, les Azzurri signent une campagne européenne remarquable conclue par un triomphe en finale face au VfB Stuttgart (5-4 sur les deux matchs). C’est aujourd’hui encore le seul sacre continental remporté par le Napoli. L’année qui suit, Maradona offre un deuxième titre de champion d’Italie au club napolitain et une Supercoupe d’Italie. Avec ses performances hors du commun, il multiplie les exploits et fait taire ses détracteurs.PUBLICITÉ
En 1990, « El pibe de oro » dispute sa troisième Coupe du monde en Italie. L’Argentine est loin de son niveau de la précédente édition et manque même de se faire éliminer dès le premier tour. Néanmoins, Maradona réussit à hisser l’équipe une nouvelle fois en finale. Opposé à des Allemands revanchards, l’Argentine s’incline cette fois-ci au Stadio olimpico di Roma. Maradona l’ignore encore mais il connaîtra après cette terrible déconvenue une véritable descente aux enfers.
Une fin de carrière en déclin
Contrôlé positif à la cocaïne en 1991, le natif de Buenos Aires est condamné à quinze mois de suspension et à quatorze mois de prison avec sursis en Italie. C’est le début de la fin. L’année suivante, il retourne en Espagnee pour jouer sous les couleurs du FC Séville. Après une saison décevante – seulement 5 buts en 26 matchs –, il s’en va finir sa carrière en Argentine près des siens, d’abord aux Newell’s Old Boys (1993-1995) puis à Boca Juniors (199-1997). À la Coupe du monde 1994, organisée aux États-Unis, il ne disputera que deux rencontres – en raison d’un contrôle positif à l’éphédrine –, et inscrit son dernier but en équipe nationale, un but d’anthologie, d’une somptueuse frappe en pleine lucarne contre la Grèce. Ce sera aussi la dernière apparition du légendaire numéro 10 sous le maillot argentin. Rongé par la drogue, handicapé par son surpoids, l’étoile s’éteint peu à peu. Et en 1997, Diego Maradona raccroche définitivement les crampons.
S’il tente de rebondir en 2008 à la tête de la sélection argentine, Diego Maradona ne connaîtra pas une carrière d’entraîneur sans nuages. Il qualifie l’Albiceleste à la Coupe du Monde 2010 et parvient à terminer premier de son groupe, mais il est remercié après son élimination en quart de finale face à l’Allemagne (4-0). Entraîneur de clubs émiratis (Al Wasl et Al-Fujairah SC), président d’un club biélorusse (Dinamo Brest), coach des Dorados de Sinaloa (2018-2019) puis de Gimnasia La Plata (2019-2020), Diego Maradona aura enchaîné de nombreux échecs qui l’empêcheront de poursuivre le récit de sa légende. Tantôt Dieu, tantôt diable, footballeur de tous les excès, El pibe de oro était un homme tourmenté qui a sombré dans la drogue et l’alcool, au péril de sa vie. Le 11 novembre dernier, quelques jours seulement après avoir fêté son 60e anniversaire, Diego Maradona avait été admis à l’hôpital pour une anémie et une déshydratation. On lui découvre ensuite un hématome sous-dural (une poche de sang formée sous la boîte crânienne), la star argentine avait subi avec succès une opération chirurgicale au cerveau dans une clinique privée d’Olivos. Une première alerte avant le drame, puisqu’il décèdera d’un accident cardiovasculaire fatal seulement trois semaines plus tard. Le monde du football est en deuil, l’Argentine pleure sa légende.
Avec le point.fr